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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/404

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artificielle, non avec l’albumine, des œufs ou de la gélatine, mais avec de la colle de poisson[1].

La théorie de cette sorte de clarification toute spéciale[2] est très curieuse et très facile à comprendre : la matière première aujourd’hui préférée ajuste titre sous le nom d’ichthyocolle se compose des membranes minces, lavées, superposées et desséchées de la vessie d’un esturgeon [acipenser huso). On prépare ces membranes sèches en les divisant par un battage sur une enclume, on les découpe ensuite en fines lanières ; immergées dans l’eau douce pendant vingt-quatre heures, on les réduit sous le pilon en une pulpe d’apparence semblable à la pâte de papier. Cette pulpe, délayée dans dix fois son volume de vin blanc, donne un liquide d’aspect mucilagineux, dont 3 ou 4 décilitres, jetés dans le vin, puis vivement agités, suffisent pour produire (comme dans la bière de table) une clarification complète en vingt-quatre ou quarante-huit heures. Ce n’est pas toutefois comme gélatine que cette substance agit, c’est en raison de sa structure en fibrilles organisées, d’une ténuité extrême et d’une grande transparence, qui, délayées dans la masse du vin, s’y détendent et forment un vaste réseau enserrant entre ses mailles tous les corps solides qui en troublaient la transparence, et qu’elles précipitent avec elles au fond du tonneau. C’est une sorte d’action mécanique que les gélatines commerciales les plus diaphanes et les plus pures, mais toujours dépourvues de la moindre trace d’organisation, ne sauraient accomplir.

On peut encore classer dans la catégorie des vins blancs ou jaunâtres les vins mousseux et les vins ordinaires. Rien n’est plus facile que de donner aux divers vins blancs obtenus soit des raisins blancs, soit des raisins noirs pressés sans cuvage, l’apparence et la propriété gazeuse des vins mousseux de Champagne : mais ceux-ci conservent une incontestable supériorité, en raison de la finesse de leur parfum, de leur légèreté, ainsi que de leurs qualités hygiéniques, qui permettent à la plupart des consommateurs de boire à longs traits ces vins pétillans et d’une suavité incomparable[3]. Peut-être ne

  1. Quelques vins blancs qui renferment une notable proportion de tanin pourraient être clarifiés une ou deux fois au plus par la gélatine ; l’ichthyocolle serait indispensable pour les clarifications ultérieures.
  2. J’ai eu l’occasion de la découvrir en étudiant la rédaction du programme de l’un des concours de la Société d’encouragement.
  3. Les qualités tout exceptionnelles des vins mousseux de la Champagne, un peu variables d’ailleurs suivant les crus et les expositions, s’expliquent par le choix judicieux de fins cépages très soigneusement entretenus, et d’où l’on écarte les gros plants de gamay. L’attention du viticulteur doit se porter encore sur le terroir, sur divers procédés de culture et de vinification, qui exigent des soins extrêmes. Les grands fabricans président eux-mêmes à la composition si importante de leurs cuvées.