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et l’article de Paris ; de l’autre, comme aux États-Unis, les pins de la forêt. Dans la Norvège septentrionale, dans le Finnmark, nul n’était plus influent ni plus connu naguère encore qu’un Anglais, M. Thomas, inspecteur des mines de cuivre de Kaafiord, qui avait pendant vingt années travaillé sans relâche à civiliser ce triste et intéressant pays. Dans ce même Finnmark enfin, les Anglais n’ont pas laissé que de remarquer de très bonne heure toute l’importance de ces golfes profonds que les courans et le gulfstream préservent des glaces, et il y a plus de trente ans déjà qu’ils ont essayé pour la première fois d’y établir une factorerie. De ce moment date leur rivalité commerciale dans ces régions lointaines avec d’autres voisins de la Suède. Les mêmes avantages avaient attiré vers les mêmes lieux la convoitise de la Russie.

Les fréquens rapports avec la Russie sont aussi inévitables pour la péninsule Scandinave qu’avec l’Angleterre, mais ils sont d’une autre nature. Tandis que l’Anglo-Saxon reconnaît aisément dans le Scandinave un frère, le Russe a trop mêlé ses origines slaves au sang qu’il tient de Rurik pour ne point apparaître à la Scandinavie comme un étranger. D’étranger, il n’est devenu que trop facilement ennemi, grâce à l’ambition de ses souverains, au souvenir des fautes par lesquelles la Suède moderne a suscité elle-même leur grandeur, aux ressentimens qu’ont laissés après elles les violences et les usurpations de la politique moscovite, à l’abîme enfin qu’a creusé entre deux peuples si voisins une entière diversité de vues, d’instincts, de mœurs, d’institutions et d’esprit national, tandis que l’Angleterre, si elle faisait quelquefois blâmer ou même maudire parmi les peuples Scandinaves sa politique, savait ravir par certains côtés leur admiration et faire estimer toujours très haut le prix de son alliance, sinon par la sympathie, au moins par l’espérance du profit commun. Il est bien vrai que les Russes ont, eux aussi, d’importantes relations commerciales avec la péninsule. C’est par centaines que les embarcations venues de la Mer-Blanche et d’Arkhangel encombrent les ports norvégiens pour y acheter le hareng. De puissantes maisons russes font en Suède concurrence aux maisons anglaises pour la banque et l’industrie. Le bois et le fer suédois trouvent sur la côte orientale de la Baltique d’excellens débouchés, et le gouvernement russe n’est pas le moins précieux client de la fonderie de canons de M. le baron Vahrendorf[1] ; mais ces rapports, souvent interrompus par des guerres ouvertes, ont été rarement exempts, ici de pensées d’envahissement politique, là de défiances traditionnelles et profondes, et ils ne porteront tous leurs fruits que lorsque la Russie,

  1. Les trois principales fonderies de Suède avaient expédié, pour le seul compte de la Russie, 426 pièces de gros calibre en 1836, 477 en 1837,1,000 au moins en 1840, etc.