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Le mouvement qui porte les différens membres de la race Scandinave à se rapprocher et à s’unir date, comme on sait, du commencement du XIXe siècle. Après les grandes guerres de l’empire, chaque peuple, sentant plus profondément que jamais le prix de son indépendance reconquise, et voulant respecter celle des autres peuples après avoir fait respecter la sienne, au lieu de songer, comme autrefois, aux imitations en littérature, aux envahissemens et aux usurpations en politique, prétendit vivre de sa vie propre, retrouver ses origines, raviver ses souvenirs, demander des inspirations à son seul génie et y conformer ses institutions morales ou politiques. Au milieu de ce mouvement vers l’indépendance qui agitait les peuples et pendant ce retour sur eux-mêmes, les nationalités se reconnurent, et celles qui avaient été morcelées ou divisées, oubliant leurs anciennes haines ou détestant la contrainte, s’efforcèrent de se réunir. Les Scandinaves ne restèrent pas en dehors de l’entraînement général. Bien qu’ils eussent été éloignés les uns des autres pendant plusieurs siècles par des antipathies et des dédains mutuels, bien qu’ils eussent parfois et tour à tour accepté des souverains qui n’étaient point de leur race, cependant nulle domination étrangère n’avait finalement subsisté au milieu d’eux ; ils restaient rapprochés les uns des autres par la position géographique, par la langue et par la religion. Ils se rappelaient sans beaucoup de peine qu’ils avaient eu autrefois aussi mêmes origines, même histoire et mêmes dieux. Isolés comme ils l’étaient à présent à une extrémité de l’Europe, entre plusieurs redoutables voisins, qui les avaient dépouillés de leur ancienne puissance, ne feraient-ils point sagement de mettre en commun tout ce qui leur restait de force intellectuelle et morale en attendant mieux encore ? Ainsi naquit un scandinavisme idéaliste, sentimental et littéraire. Il semblait inoffensif, ne parlait que de réconciliation et ne chantait qu’hymnes de fête. Bientôt cependant il sortit des régions de la poésie, de l’archéologie et de l’histoire, pour s’aventurer dans le domaine économique et administratif ; il souhaita des réformes douanières, commerciales et financières ; bien plus, il afficha au dehors des sympathies et des répugnances, maudissant tantôt l’Allemagne et tantôt la Russie, et faisant de la sorte invasion dans le cercle des idées politiques. Cessant dès lors d’être purement théorique, il commença de hâter de ses vœux l’accomplissement d’une union pratique et réelle entre les trois peuples Scandinaves, et ouvrit, à partir de ce jour, une nouvelle arène où comparurent d’une part les intérêts dynastiques et d’autre part les intérêts des peuples.

Cette dernière distinction nous aidera à suivre le développement et les vicissitudes du scandinavisme sous le roi Oscar, et à en saisir le sens. C’est encore un épisode intéressant de son règne ; s’il nous a semblé réservé et presque timide dans les affaires intérieures, mais