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De la part du public danois tout au moins, les réflexions ne manquèrent pas. Les dernières démarches du prince royal de Suède avaient remis en mémoire les harangues et le banquet du roi Oscar. On avait commenté cette désignation d’une seule patrie dans l’avenir, cette annonce d’un soleil levant qui illuminait toute la Scandinavie, ces hommages au peuple de Danemark ; on avait enfin rapproché de ces expressions les paroles de M. Ploug que nous avons citées sur la nécessité d’une alliance politique et d’une union dynastique, et l’on s’était demandé si le dernier discours était destiné à paraphraser et à développer tous les autres. En un mot, l’opinion avait cru apercevoir des intérêts dynastiques primant dans la question scandinave les intérêts des peuples, et l’on avait vu se produire, non-seulement dans le cabinet, mais encore chez le peuple danois, une réaction subite. Est-ce à dire que cette réaction dût être durable, et que le roi Oscar fût fort à blâmer ? Nous ne le pensons point. Quiconque est dévoué doit s’offrir, et s’il s’offre au moment le plus périlleux, il doit cesser d’être suspect.

On a cru que le roi Oscar et le prince Charles travaillaient exclusivement en 1856, pour l’intérêt de leur seule ambition, « croyant la poire mûre, » comme disaient sans façon les brochures allemandes, et voulant la cueillir. Qui sait s’il n’y avait pas au contraire dans leur conduite plus de prudence inspirée par la crainte que d’audace puisée dans l’extrême confiance et dans les vues égoïstes ? En juin et en septembre 1856, on était au lendemain de la guerre d’Orient, au lendemain du traité défensif conclu par la Suède et la Norvège avec les puissances occidentales. Il était bien permis de se demander si la position de la Scandinavie était fort rassurante. La Russie se recueillait, à la bonne heure ; mais si le recueillement ne lui portait pas bon conseil et qu’au sortir de sa méditation intérieure elle sentît encore au vif le mécontentement que lui avait causé ce qu’elle appelait la défection du roi Oscar, on pouvait bien conserver quelques inquiétudes sur le peu de précision de la garantie occidentale… Quoi qu’il en soit, il n’y avait rien d’étonnant à ce que le roi Oscar essayât d’élargir après coup la base du traité de 1855 et d’y faire entrer, grâce à la solidarité des états du Nord mieux que jamais cimentée, la monarchie danoise elle-même. C’était un nouvel hommage à la nécessité du scandinavisme ; il ne dépendait pas du roi de Suède que cette nécessité fût moins impérieuse et moins manifeste. En face de la Russie et, le cas échéant, en face de l’Angleterre ou de toute autre puissance ennemie, la Suède et la Norvège ont besoin de l’alliance intime du Danemark, qui, avec elles, tient les clés du Sund et celles de la Baltique.

Et le Danemark, n’a-t-il pas besoin aussi de demander des secours au scandinavisme ? L’Allemagne, qui se sent mal à l’aise chez elle, souffre