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du Christ dans toute sa pureté. Cette rénovation laborieuse avait fini par produire une abondante moisson. »

L’église de Séville perdit dans Constantino son véritable chef ; la mort du pasteur dispersa le troupeau. À partir de ce moment, la cause de la réforme fut frappée en Espagne d’un coup suprême. Dans le reste du pays, les protestans étaient isolés ou ne formaient que des assemblées peu considérables. Séville au contraire comptait un très grand nombre de chrétiens réformés, qui s’attachaient non aux doctrines de Luther, mais à l’enseignement même de l’Évangile. Huit cents personnes de tout rang, de tout âge, furent arrêtées dès les premiers jours de la persécution. Les prisons du saint-office ne pouvaient contenir tous les prévenus : il fallut recourir aux prisons de la ville, aux couvens, aux maisons particulières, aux établissemens publics. « Les inquisiteurs, dit Mac-Crie, étaient comme le pêcheur qui a fait une pêche si abondante que son filet menace de rompre sous le poids. » Condamner tous les inculpés, ce n’était guère possible, et ce pouvait être dangereux. On ne ménagea point les confiscations ni les pénitences, et l’on renvoya, après une longue détention, ceux qui paraissaient moins compromis, non sans les avoir dépouillés. Quant aux personnes que leur nom ou leur mérite personnel mettait en évidence, elles furent condamnées sans merci. À Valladolid, où les disciples de Caçalla imitèrent, sauf quelques exceptions, les faiblesses de leur maître, l’inquisition se montra tout aussi impitoyable qu’à Séville. Une bulle du pape, sollicitée par Philippe II de concert avec l’inquisiteur général, permettait à l’inquisition de faire périr par le fer et par le feu l’hérétique, même repentant, si l’on conservait le moindre doute sur la sincérité de son repentir. C’est ainsi qu’une rétractation, fût-elle sincère, ne préservait pas l’accusé du dernier supplice. Sa vie était à la discrétion des juges de la foi, et ceux-ci, qui vivaient de confiscations, étaient médiocrement enclins à la miséricorde. C’était rendre plus arbitraire encore le pouvoir de Valdès, le grand-inquisiteur d’Espagne. Cependant une bulle du mois de février 1558 vint l’autoriser à citer à son tribunal toute personne suspecte d’hérésie, sans acception de rang ni de dignité : évêque, archevêque, prince, roi ou empereur. À ce dernier trait, on reconnaît la rancune italienne de Paul IV, qui se vengeait à la fois de Charles-Quint et de Philippe II. Celui-ci ne rougissait point de recevoir du pape des ordres non moins humilians pour son père que pour lui-même, et qui mettaient le grand-inquisiteur au-dessus du souverain. Valdès, persécuteur effréné, par ambition autant que par haine, usa largement de ce pouvoir sans limites, et sa lutte contre l’archevêque Carranza mérite d’être racontée ici, comme le dernier et le plus instructif chapitre de l’histoire religieuse que nous avons essayé de retracer.