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fréquemment en hiver, parce que l’étoffe est plus défectueuse à cause de la diminution de la lumière et demande un plus grand nombre de reprises, on leur paie chaque heure supplémentaire à raison de 15 centimes à Elbeuf, et de 20 centimes à Sedan. Dans cette dernière ville, l’usage est de compter les salaires par heure ; le minimum est de 15 centimes ; les salaires de 20 centimes pour les femmes, de 25 centimes pour les hommes, sont très communs ; ce sont en quelque sorte les prix courans. Une journée de douze heures à 20 centimes représente 2 fr. 40 cent. Le minimum de la journée pour les femmes de préparation et les soigneuses de carderie est de 1 fr. 15 cent, à Mulhouse, 1 fr. 25 cent, à Lille, 1 fr. 40 cent, à Reims, 1 fr. 50 cent, à Sedan et à Déville, près Rouen. Dans toutes ces villes, le salaire des femmes peut s’élever jusqu’à 1 fr. 75 cent, ou 2 fr. Il en est de même des nopeuses ou épinceteuses et des rentreuses ou imprimeuses de seconde main dans les indiennages de Mulhouse. Le salaire n’est vraiment déplorable que pour l’ouvrage fait à domicile par quelques pauvres femmes qui n’appartiennent à aucun corps d’état proprement dit ; les couturières de sacs à Amiens, les couturières de tricot à Troyes, les sarrautières (couturières de sarraux) à Lille, les bobineuses dans plusieurs villes de fabrique ne gagnent que 5 centimes pour le travail d’une heure.

Le bobinage est ordinairement abandonné aux jeunes enfans, aux vieillards et aux infirmes ; il ne serait donc pas juste de le faire entrer en ligne de compte. Cette remarque faite, ceux qui savent quel est le prix courant du travail manuel en France conviendront facilement que les salaires sont plus élevés dans la grande industrie que dans la petite. L’administration a fait faire des recherches sur les salaires dans la ville d’Amiens au mois de mars de la présente année 1860 ; il en résulte que les brodeuses, les couturières de robes et les culottières gagnent en moyenne 1 fr. 25 cent, par journée ; les dentellières et les modistes 1 franc, les giletières et les lingères 75 cent. Les femmes employées aux manufactures dans la même ville gagnent en moyenne 1 franc dans les filatures de coton, 1 fr. 25 cent, dans les filatures de laine, 1 fr. 10 cent, dans les filatures de soie, 1 fr. 50 cent, dans les filatures de lin. Les tisseuses gagnent un peu plus. Ces salaires sont évidemment très inférieurs à ceux que paie ailleurs la grande industrie ; la ville d’Amiens subissait une crise assez grave à l’époque où ces recherches ont eu lieu, et les salaires y sont en tout temps tenus assez bas. Tels qu’ils sont néanmoins, ils l’emportent encore sur les salaires de l’industrie privée. La différence serait beaucoup plus sensible, si l’on faisait la même comparaison à Lille, à Saint-Quentin, à Rouen, à Mulhouse.

Quand on demande aux fabricans si l’élévation des salaires a une