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À mesure que je développais ainsi, devant le président et son ministre, l’économie générale de mes projets et le secret de mes espérances, je lisais dans la physionomie expressive de M. Mora la vive satisfaction qu’il éprouvait. Passant ensuite à la lecture du traité, dont j’accompagnai chaque article d’un rapide commentaire, je détaillai toutes les solutions politiques et économiques qu’il renfermait : le règlement définitif des limites, l’association des deux états pour l’œuvre commune, une source de revenus qui rétablissait leur crédit, le partage égal des bénéfices et des charges, l’égalité des pavillons, la franchise des ports, l’abaissement continu des tarifs de péage, la réduction des droits de douane et la suppression des monopoles. Je vis à l’impression générale des assistans que la cause était gagnée. Ces principes de progrès qui pénètrent si difficilement dans la pratique de ce côté-ci de l’Océan font partie en Amérique de la conscience universelle, et M. Mora, mieux que tout autre, en pouvait comprendre les fécondes conséquences. Les vicissitudes de sa jeunesse l’avaient amené à Valparaiso, au début de la prospérité de cette capitale maritime du Chili. Il en était revenu frappé de ce qu’il y avait d’élémens de grandeur et de force pour un peuple naissant dans le commerce international protégé par la liberté, et le chef du gouvernement costa-ricain n’avait jamais oublié ces premières impressions. Rien ne pouvait donc mieux répondre à ses tendances personnelles, à son patriotisme, à son expérience d’administrateur et de négociant que la haute initiative à laquelle je le conviais. Deux détails significatifs feront comprendre avec quelle largeur de vues le président costa-ricain envisageait la question du canal. L’article 13 de la convention projetée, en disposant que le canal serait ouvert au même titre à tous les pavillons, et qu’une taxe uniforme frapperait également toutes les marchandises sans acception de provenance, favorisait en réalité le pavillon des États-Unis, qui jouit de l’avantage énorme de la proximité. Je crus devoir en faire l’observation au président en lui rappelant que le projet du prince Louis-Napoléon établissait un tarif différentiel de 12 francs 50 centimes par tonne pour les navires d’Europe et de 25 fr. pour ceux des États-Unis. « Qu’importe la distance ? répondit M. Mora, nous n’avons point à nous en occuper, la loi doit être

    signatures de MM. Passy, Michel Chevalier, Ch. Dunoyer, Joseph Garnier : « Nous avons tout d’abord été frappés de la grandeur de cette entreprise, qui intéresse à un si haut degré l’avenir de la civilisation. Nous avons vu ensuite avec une grande satisfaction que le projet dont vous poursuivez l’exécution repose sur les bases les plus libérales et les plus avantageuses pour le commerce de tous les pays… Persuadés que dans cette importante affaire les principes de l’économie politique et la doctrine de la liberté du commerce auront en vous un zélé défenseur, nous prions, par ces présentes, tous ceux de nos amis et correspondans que vous pourrez rencontrer de vous donner l’aide et l’appui qui seront en leur pouvoir, etc. »