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d’un système de montagnes assez récent et assez étendu pour avoir produit un nouveau mode de distribution des mers, par exemple celui des Andes ; mais ce soulèvement a-t-il été assez brusque pour donner naissance à un cataclysme subit tel que celui qui est décrit dans la Bible ? C’est là une autre question en litige. Les choses en sont venues à ce point que bien des géologistes doutent de la réalité des grands cataclysmes. Ils ne voient que des inondations plus ou moins locales ; ils font observer qu’au lieu d’avoir été marquée par des catastrophes violentes, par des soulèvemens de montagnes et des agitations de la mer, la séparation des grandes périodes géologiques coïncide avec des époques de calme, avec l’absence la plus complète de tous ces phénomènes terribles qu’ont représentait comme le passage de l’une à l’autre création.

Convaincus de la réalité du déluge, plusieurs auteurs, suivant l’exemple que leur avaient donné quelques penseurs hardis du siècle dernier, ont cherché, en dehors des révolutions du sol, une cause d’un ordre général, un fait cosmique qui pût expliquer le phénomène, pour y subordonner ensuite les données tirées de la géologie. Le célèbre astronome J.-W. Herschel avait déjà soutenu que les révolutions géologiques doivent plutôt être attribuées aux effets nécessaires et réguliers de causes à la fois puissantes et étendues qu’à une suite de convulsions et de catastrophes qui ne seraient réglées par aucune loi et ne découleraient d’aucun principe fixe.

Entre les diverses hypothèses qui se sont offertes à l’esprit, deux surtout ont trouvé faveur ; l’une recourt à un déplacement de l’axe terrestre produit par l’intervention d’une comète, l’autre a une alternance dans la distribution de chaleur des deux hémisphères. Un ingénieur des mines, M. de Boucheporn, a émis l’opinion[1]que notre globe, par suite de chocs multipliés de comètes qui étaient venues le rencontrer, avait vu son axe de rotation subir des déplacemens qui changèrent à son tour la position de l’équateur et produisirent des altérations dans la forme du relief terrestre. De là les grandes révolutions géologiques. Un premier déplacement porta, suivant M. de Boucheporn, le pôle nord sur les côtes des États-Unis, un second en quelque endroit de la Baltique ou du littoral de la Pologne ; un troisième enfin occasionna la fonte et la dispersion des glaces qui s’étaient accumulées par suite de l’établissement du pôle boréal au voisinage du 55e degré de latitude, et telle aurait été la cause du dernier déluge. Si les comètes, malgré leur constitution vaporeuse et leur forme changeante, pouvaient avoir une telle puissance, il n’en résulterait pas que l’hypothèse en question,

  1. Études sur l’histoire de la Terre, 1844.