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desquels a dû passer le torrent. Sur les montagnes plus élevées, le côté opposé au nord-est n’offre pas de trace de cannelure, nouvelle preuve de la direction prise par l’immense torrent. C’est lui qui doit avoir arrondi ces collines granitiques constituant aujourd’hui de véritables dômes dont le grand axe est parallèle à la direction moyenne des sillons.

Dans l’hémisphère austral, on rencontre aussi des blocs erratiques ; comme pour notre hémisphère, ils deviennent de plus en plus rares à mesure qu’on approche des tropiques, et finissent par disparaître après le 35e parallèle. Chose remarquable, la direction suivant laquelle ces blocs ont été transportés est inverse de celle qui se présente dans le continent européen ; ils arrivaient des contrées situées au sud-ouest. On aurait donc là les vestiges de l’avant-dernier déluge ; de celui qui serait dû au réchauffement de l’hémisphère austral, à la rupture de la calotte de glace arctique, pareille à celle qui enveloppe actuellement le pôle antarctique.

Voilà un premier ensemble de faits qui semble démontrer un double réchauffement des deux contrées polaires opéré à une époque peu ancienne ; mais il n’y a point encore là une preuve péremptoire de deux déluges successifs. Un géologiste belge, M. Le Hon, s’est chargé de compléter la démonstration que M. Adhémar demande à l’étude comparative des couches terrestres. Les terrains tertiaires, fait-il remarquer, si étendus en Europe, se trouvent presque constamment dans les contrées basses ; c’est sur les parties les plus élevées qu’ils font défaut. Or, comme ils sont un irrécusable témoignage de la présence des eaux marines, il faut, ou qu’ils aient été soulevés, ou que la mer se soit jadis répandue au-dessus de leur niveau actuel. La première supposition est invraisemblable : comment admettre que de si vastes espaces placés dans toutes les directions, souvent situés dans des contrées dépourvues de montagnes et de toutes traces volcaniques, aient été brusquement ou même lentement exhaussés ? Il faut donc y voir un grand terrain émergé. D’ailleurs, ajoute le professeur de Bruxelles, puisqu’on reconnaît plusieurs âges dans les terrains tertiaires, on devrait supposer, si l’on s’en tenait au système des soulèvemens, une succession d’élévations et d’abaissemens, d’oscillations qui n’auraient pu se produire dans les mêmes conditions et les mêmes limites.

Ainsi, d’après M. Le Hon, il faut simplement rechercher dans les dépôts tertiaires l’indication du passage des eaux qui s’est accompli à diverses époques. Toutefois on ne doit point oublier de tenir compte des immenses dénudations qu’ont déterminées en certains lieux les flots qui les ont désolés. De vastes étendues de sol ont été enlevées ; des couches d’abord épaisses n’ont pu laisser que de faibles lambeaux :