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du bien en ce monde et la condamnation de ces désirs de perfectionnement qui soulèvent si puissamment le cœur de l’homme et lui font accomplir tant de prodiges. La race humaine, dans un jour d’enthousiasme, s’est décidée à une nuit du 4 août universelle. On choisit pour l’emplacement de l’holocauste qui doit dévorer tous les préjugés et tous les vices la plus large savane de l’Amérique. Là successivement sont jetés au feu tous les engins de vanité, de haine et d’orgueil qui maintiennent en ce monde la domination du mal, tous les emblèmes de fanatisme et de superstition, tous les instrument de tyrannie et de destruction : sceptres et couronnes, titres nobiliaires, parchemins généalogiques, crosses et mitres, vêtemens sacerdotaux, bijoux et objets d’art, toilettes, colifichets, instrumens de plaisir, livres et journaux. Rien n’est oublié de ce qui perpétue les vices parmi les hommes, et les disciples de la tempérance ont le bonheur de voir flamber jusqu’à la dernière goutte la provision de spiritueux et de breuvages que la race humaine conservait précieusement dans ses celliers et dans ses caves à la seule fin de troubler sa raison et de pervertir ses instincts. L’holocauste est maintenant consommé, les hommes sont revenus à l’état de nature : qu’est-ce qui pourrait les empêcher d’être bons ? — Il vous reste encore un dernier sacrifice à accomplir, crie aux hommes penchés sur le bord de la fournaise un personnage ironique, que vous prendrez, si vous voulez, pour Satan lui-même, et que nous aimons mieux prendre pour quelque philosophe désenchanté qui n’a eu à jeter dans le brasier, rien de ce qui faisait l’orgueil des autres : c’est d’y jeter votre propre cœur ; rien ne sera fait tant que vous n’aurez pas détruit cet arsenal de tous les vices et de tous les péchés. Des cendres de cet universel holocauste, le mal va donc renaître comme le phénix, plus jeune et plus charmant, avec un plumage tout neuf et un ramage à faire pâmer d’admiration la cour infernale. Les hommes ont cru qu’ils obéissaient à une inspiration divine, les pauvres dupes ! et ils n’ont pas vu qu’ils étaient le jouet du diable, qui sentait le besoin de renouveler ses engins de damnation. Les vieilles machines de destruction morale étaient hors de service, elles grinçaient et se rouillaient, et il était bon de renouveler le matériel de l’enfer. On pourra maintenant fabriquer des machines sur de nouveaux modèles, et sans doute tout ira mieux. — Amen ! répond tranquillement M. Hawthorne sur un ton qui semble dire : Je m’y attendais. — Comprenez-vous maintenant l’espèce d’antipathie voisine, de la terreur qu’inspirent les écrits d’Hawthorne, antipathie remarquable par ce fait que le lecteur la ressent sans pouvoir s’en délivrer, et qu’elle agit sur lui comme une sorte de fascination déplaisante. L’esprit d’Hawthorne semble doué de la puissance que l’imagination populaire accorde au regard