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monde les plus intéressés à demeurer unis, c’est nous qui aurions le droit de dire que, devant une telle disproportion de forces, nous existons commercialement par tolérance. Si nous imitions les Anglais en ce moment, nous aurions à tenter du côté de la marine un effort artificiel analogue à celui par lequel ils se sont donné une, armée de volontaires. Lord Palmerston a dépassé le but. Où ira-t-on dans la voie de cette concurrence guerrière et avec ces surenchères d’armemens entre la France et l’Angleterre ? Pour détourner les périls de cette paix armée qui déroute et fatigue les peuples, il faut que quelque grand acte change dans les deux pays le courant des idées et accomplisse une bienfaisante révolution morale. Nous ne reconnaissons une pareille efficacité qu’à des résolutions conformes au génie et aux mœurs des deux pays, et qui ramèneraient l’Angleterre dans la voie des économies financières et la France dans la carrière trop longtemps interrompue du développement de ses libertés intérieures.

Dans tous les troubles d’esprit et de politique de l’Allemagne, la vieille querelle avec le Danemark au sujet des duchés n’a pas toujours la première place : elle s’éclipse quelquefois, elle dort, si l’on veut, puis elle reparaît selon les circonstances, et elle se manifeste par de petites tempêtes de discussions, de notes diplomatiques, qui voyagent de Copenhague à Berlin et dans tous les journaux d’outre-Rhin, On se souvient peut-être qu’il s’est élevé, il y a quelque temps, dans les chambres de Berlin une discussion de plus ou une manifestation au sujet de ces éternels droits des duchés, qui seraient éternellement violés par le Danemark, Le parlement prussien fut assez vif sur le Slesvig comme sur le Holstein. On disait même en son nom, avec une certaine naïveté, que, « sans les duchés, on ne saurait imaginer une protection efficace des côtes baltiques de l’Allemagne, et que si ces côtes appartenaient à un état hostile, tout le nord de l’Allemagne serait ouvert à une invasion ennemie. » Le ministre des affaires étrangères du prince-régent, M. de Schleinitz, déclarait d’ailleurs sans détour qu’il partageait entièrement la manière de voir de la chambre, sans faire la moindre distinction entre le Slesvig et le Holstein. Il faisait même particulièrement du Slesvig le boulevard de la nationalité et de la civilisation allemandes. Le gouvernement danois ne pouvait manquer de ressentir le coup et de se plaindre ; il l’a fait, il y a quelque temps, par une note modérée dans la forme, très ferme au fond. La grande question est dans cette confusion du Slesvig, qui est purement et exclusivement danois selon le droit public, et du Holstein, qui relève de la confédération germanique. En ce qui touche le Holstein, la Prusse, pomme organe de l’Allemagne, peut avoir un droit de représentation ; pour le Slesvig, elle n’a aucun titre, et cette confusion permanente ne contribue pas peu à paralyser tous les efforts d’organisation de la monarchie danoise. M. de Schleinitz a répliqué à son tour d’un ton piqué, parlant un peu de haut au ministre des affaires étrangères de Danemark, M. Hall, lequel n’est point resté court. Il en est résulté un échange de notes