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un public indifférent, avait essayé de se faire descriptive. Malte-Brun résume cette période, et la popularité qui s’attache encore à son nom fait voir que le succès a généreusement payé ses efforts. Quand ce savant fit succéder aux indigestes compilations de ses prédécesseurs un vaste ouvrage méthodique, bien disposé, dans lequel l’agrément du récit prêtait un charme inconnu aux enseignemens d’une érudition sérieuse, le public montra, par l’empressement avec lequel il accueillit cette nouveauté, que s’il n’avait pas paru plus tôt s’intéresser à l’histoire de la terre et aux descriptions de régions lointaines, c’était moins la faute de la géographie que des géographes mêmes. Cependant, malgré ses mérites, l’ouvrage de Malte-Brun ne devait pas tarder à vieillir ; la science à laquelle il consacrait ses labeurs est essentiellement changeante : ce sont des découvertes qui élargissent le champ des connaissances humaines, des conquêtes qui assurent à l’homme des domaines nouveaux dans des contrées longtemps incultes et sauvages ; des villes qui naissent ou qui tombent, des divisions politiques qui se modifient, des chemins qui s’ouvrent, et partout, sous la main de l’homme, qui la dompte, la nature laissant entrevoir des horizons qu’on ne soupçonnait pas. Depuis Malte-Brun, nous avons exploré les pôles, compté les peuples qui vivent sous l’équateur ; les États-Unis ont décuplé leur population, et l’Océanie s’est couverte de villes commerçantes.

Ce nouvel état de choses appelait un remaniement presque complet de l’œuvre de Malte-Brun ; c’est ce qu’a entrepris un des hommes qui ont le mieux mérité de la géographie contemporaine, et dont le nom se trouve heureusement associé aux plus récens progrès que cette science a faits parmi nous. En entreprenant de refondre et de renouveler l’œuvre du maître, M. Théophile Lavallée est resté fidèle à la méthode et aux principes qu’il avait précédemment émis et fait si heureusement valoir dans sa Géographie physique et militaire. Dans ce livre, il prenait pour base, avant l’homme, la nature, étudiant la terre en elle-même et d’après les grands traits inaltérables de sa surface avant de la considérer comme théâtre de l’activité humaine et suivant les divisions que les caprices ou le besoin des gouvernemens ont établies. » C’est que là en effet est le vrai point de départ, et que les configurations du sol ont exercé sur les destinées de l’homme une influence durable et manifeste. Ce principe, accueilli dès son apparition avec une extrême faveur, pouvait, s’il était introduit dans un grand ouvrage d’ensemble, sorte de synthèse géographique, rendre le service de déraciner de vieux préjugés, d’enlever à l’enseignement ses habitudes routinières, et de communiquer à un plus grand nombre d’hommes l’attrait que les esprits distingués ressentent de nos jours pour la géographie. C’est ce que M. Lavallée a essayé de faire en abritant son nom sous le patronage populaire du grand nom de Malte-Brun. De l’œuvre primitive, il reste dans les détails peu de chose ; mais l’ensemble, le plan général et l’intérêt sont les mêmes : c’est la géographie de Malte-Brun transportée, à cinquante ans de distance, sur un théâtre agrandi, auquel des découvertes et des inventions qu’il y a un demi-siècle on ne pouvait pas prévoir ont apporté des perspectives et des combinaisons pleines d’un intérêt nouveau. L’Europe entière a été refondue ; la France, qui comporte une grande étendue, un volume sur six ; l’Allemagne, l’