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tudes attentives ont été faites à ce sujet de 1830 à 1842, et l’on s’est demandé lequel vaudrait le mieux pour accroître un produit agricole qui n’excède pas 30,000 francs : tenir le marais à sec avec des pompes à vapeur, ou en exhausser le sol avec les dépôts des eaux troubles de la Seine. À ne considérer que l’économie de l’entreprise, le premier procédé serait le moins dispendieux, l’autre le plus profitable. Le dessèchement mécanique ne changerait pas la chétive nature des sables et des tourbes qu’il mettrait au jour, le colmatage au contraire leur superposerait une terre féconde ; mais l’élargissement du sol arable est ici d’un intérêt secondaire : ce qui importe, c’est d’ensevelir à jamais sous une épaisse couche de terrain salubre les germes empoisonnés qui déversent aux environs la maladie et la mort. Les avantages de l’entreprise en dépasseraient infiniment les charges ; seulement ce qu’elle produirait de plus précieux, la santé, la capacité de travail rendues à des populations déshéritées, ne reviendrait pas aux auteurs directs du dessèchement : ces mécomptes sont de ceux auxquels pourvoit l’intervention de l’état.

Sans avoir plus de grèves et de marécages à colmater que nous, les Italiens sont beaucoup plus avancés dans la pratique de cet art, et, pour ne citer qu’une entreprise accomplie de nos jours, le comblement des marais des bouches de l’Ombrone, commencé en 1828 et terminé en 1837, a employé 175 millions de mètres cubes de limon, c’est-à-dire un volume décuple de celui d’une couche d’un mètre d’épaisseur superposée à la surface entière du Marais-Vernier. Cette masse énorme a été transportée par de bien plus longues dérivations que n’en exigeraient les eaux de la Seine. Bordé par un fleuve incessamment couvert de navires, placé entre deux villes maritimes dont l’alimentation réclame sans cesse de nouvelles extensions de culture, le colmatage du Marais-Vernier serait cent fois plus profitable que celui de lagunes enveloppées dans des maremmes désertes, sans voisins et sans débouchés, et le volume de terre employé au comblement du foyer d’infection serait ici soustrait à l’encombrement de l’atterrage de la Seine, dont nous avons tant d’intérêt à ralentir la marche.

Les travaux de navigation de la Basse-Seine placent aujourd’hui la plaine du Marais-Vernier dans des conditions nouvelles. Une digue de 10,200 mètres de développement, appuyée sur les pointes de Quillebeuf et de La Roque, rejette les eaux de la Seine à 3 kilomètres de leur ancien rivage, et protège, en avant des travaux de Bradley, la formation de 2,330 hectares d’atterrissemens. Les nouveaux terrains sont déjà sur la plus grande partie de cette étendue au niveau des marées d’équinoxe, et ils s’élèvent rapidement sur