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vient d’être terminé, le Traité de l’Instruction criminelle. L’auteur, M. Faustin Hélie, savant magistrat, a su joindre la sûreté des doctrines et la sagacité des recherches à l’élévation des vues. Habitué à la pratique de la loi, il ne s’est pas enfermé dans l’exposé des textes ; il a pénétré au-delà pour rechercher quelles interprétations on leur donne, quel usage on en fait, et toutes les fois qu’il a reconnu des abus apparens ou cachés, il n’a pas craint de les signaler. Il a compris qu’on ne fait jamais leur part aux mesures discrétionnaires, et qu’on ne peut les cantonner à son gré. En les employant même pour la découverte des coupables, on expose les innocens à en être victimes ; quand on les conserve quelque part, on leur laisse accès ailleurs, et si, pour les défendre, on invoque l’excuse commode du salut public, on oublie que, d’après l’ancienne doctrine de Platon, il n’y a d’autre salut public que la justice, qui est le salut de tous.

À ce point de vue, il n’est pas indifférent d’examiner si la liberté individuelle, c’est-à-dire la liberté sans laquelle on n’est plus maître de sa personne, est mise en France sous la garde d’une loi vigilante, destinée à justifier la confiance du citoyen ; il est nécessaire de s’assurer si elle n’est pas exposée au contraire aux abus de la détention préventive et aux atteintes de la détention illégale. Les lacunes de notre législation, rapprochée des législations étrangères, feront aisément reconnaître s’il ne convient pas de réclamer contre l’emprisonnement sans jugement, ne fût-il que provisoire, un système de garanties qui jusqu’à ce jour sont restées pour ainsi dire sur le seuil de notre droit public.

Sans doute, si l’on s’en tient aux apparences, la législation française a témoigné pour la liberté individuelle de tous les citoyens la sollicitude la plus prévoyante. Toutes nos constitutions l’ont proclamée tour à tour avec une conformité digne de remarqué. L’assemblée constituante de 1789 la déclarait sacrée, et plus tard, entre deux décrets sur l’arrestation des suspects, la convention la prenait également sous sa garde. Le gouvernement impérial la mettait, par le sénatus-consulte du 28 floréal an XII, sous la protection officielle d’une commission sénatoriale chargée de réprimer tous les actes publics contraires à la liberté individuelle. On sait trop, il est vrai, qu’elle attendit, pour se plaindre, la proclamation de déchéance de l’empereur adressée par le sénat au peuple français. La charte de 1814 et la charte de 1830, qui donnaient au pays les garanties de la liberté politique, ne pouvaient manquer de promettre à tout citoyen la jouissance de la liberté personnelle, que les mœurs publiques, le contrôle vigilant des grands pouvoirs de l’état, la jalouse surveillance de la presse, semblaient dès lors rendre inviolable. Enfin la