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venu est exposé à subir avant le jugement une détention équivalente à la peine la plus rigoureuse, la détention solitaire ; il peut être mis au secret, c’est-à-dire privé de toute communication soit avec sa famille, soit avec son défenseur. Une telle aggravation de la détention préventive, qui paraît, a-t-on dit, un dernier débris de la torture, et qui fait de l’emprisonnement cellulaire une mesure d’instruction, n’est pas, il est vrai, expressément sanctionnée par le code d’instruction criminelle, mais elle semble être autorisée, et on n’a pas manqué de la faire rentrer dans les prescriptions du législateur par voie d’interprétation. En effet, l’article 613 permet au juge de donner tous les ordres qui devront être exécutés dans les maisons d’arrêt et de justice, et qu’il jugera nécessaires pour l’instruction ; en outre, l’article 618 permet au gardien de ne pas montrer les personnes détenues, quand il produit l’ordre qui le lui défend. Le juge d’instruction est donc libre d’isoler le prévenu, pour l’empêcher de se concerter avec ses complices, d’altérer ou de faire disparaître les preuves de culpabilité ; aucune restriction n’est imposée à son autorité : il peut prononcer à son gré la mise au secret, soit contre le prévenu du plus grand crime, soit contre le prévenu du moindre délit ; il n’est même pas obligé de la justifier en la motivant ; il n’a aucun compte légal à en rendre, il dispose d’un pouvoir illimité.

La liberté du prévenu étant exposée à des atteintes si fréquentes et parfois si redoutables, assurons-nous si le législateur n’a pas pris au moins toutes les précautions nécessaires pour empêcher que la détention préventive ne soit ordonnée sans être justifiée.

Le code reconnaît quatre mandats ou moyens de mettre le prévenu à la disposition de la justice : le mandat de comparution, le mandat d’amener, le mandat d’arrêt, le mandat de dépôt. Le premier laisse au prévenu sa liberté ; les trois autres, qui diffèrent soit par le but, soit par la forme, la lui retirent soit momentanément, soit pour un temps plus prolongé.

Le mandat d’amener, comme le mandat de comparution, n’est destiné qu’à faire venir devant le juge d’instruction tout citoyen soupçonné sur indices graves ; mais, à la différence du mandat de comparution, il est signifié par un agent de la force publique et peut être exécuté par la contrainte. Le juge doit en faire nécessairement emploi s’il s’agit d’un crime ; il est libre de s’en servir ou de donner la préférence au mandat de comparution, s’il s’agit d’un délit, et si celui auquel il est imputé possède un domicile. Avant toute explication donnée par le prévenu, le juge peut ainsi ordonner ou non l’arrestation, mais il lui est prescrit au moins d’interroger dans les vingt-quatre heures celui qu’il a fait arrêter. Le mandat d’amener,