Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 29.djvu/1004

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a reporté sur l’Europe entière la responsabilité générale des décisions à prendre en face de ces événemens. C’est, suivant elle, aux grandes puissances de prononcer la solution des questions que le Piémont a soulevées. La France est d’accord avec ces puissances sur ce qu’on pourrait appeler la question préliminaire de compétence. Faut-il voir dans ce premier accord la promesse d’un accord final sur le fond des choses ? Nous n’oserions nous en flatter. Ce que nous souhaiterions du moins, c’est que, dans l’attitude prudente que notre gouvernement a prise, il fût permis de voir la résolution bien arrêtée de dégager pour l’avenir l’action de la France des complications que pourront entraîner les événemens italiens.

La réunion de Varsovie et les manifestations du parlement de Turin sanctionnant la politique des invasions et des annexions, le renversement de l’autorité temporelle du pape et de l’autonomie napolitaine, l’unité de l’Italie enfin, — voilà les deux termes extrêmes entre lesquels va se livrer le combat des principes qui divisent l’Europe.

Les informations, les appréciations, les conjectures les plus diverses se sont déjà produites touchant l’objet et les conséquences de l’entrevue de Varsovie. Les uns ont exagéré la portée de cette entrevue en annonçant que les trois souverains y poseraient les bases d’une entente commune sur toutes les questions qui agitent l’Europe, et en soutenant que, non contens de concerter leurs mesures vis-à-vis de l’Italie, ils voulaient aussi s’unir sur les questions orientales ; ceux-là voulaient même faire sortir de cette réunion une coalition prochaine contre la France. D’autres au contraire prétendent que les deux empereurs et le prince-régent se sont laissé un peu étourdiment entraîner à cette démonstration inconsidérée, qu’ils en sont aujourd’hui à regretter une démarche qui devient compromettante par le sens que l’opinion publique y attache, et que tout se passera entre eux en échange de complimens vides, de vagues assurances, de propos insignifians. Il est probable que la vérité est entre ces deux extrêmes. Nous ne pensons pas que les souverains qui se sont donné rendez-vous à Varsovie soient disposés à lancer de périlleux défis et à faire des folies ; cependant, en nous plaçant au point de vue français, nous n’essaierons pas d’atténuer cet événement. Des souverains qui représentent trois grandes puissances européennes sur cinq ne peuvent pas se réunir avec cet éclat, dans des circonstances comme celles où l’Europe est placée, sans avoir la pensée de produire un certain effet sur l’opinion publique et d’exercer une certaine influence sur la politique générale. Plusieurs faits relèvent la signification de la réunion de Varsovie. Nous ne pouvons oublier, en voyant ce rapprochement intime à des cours du Nord, que les ministres anglais ont déclaré, il y a quelques mois, que l’ancienne alliance intime n’existait plus entre la France et l’Angleterre : or l’alliance occidentale était le contre-poids naturel de l’alliance du Nord, qui paraît se reformer. La part que l’Angleterre a prise à la réconciliation de la Prusse et de l’Autriche, qui s’est consommée à Tœplitz, n’est plus un mystère pour personne. L’on en peut induire sans témérité que