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italienne, et alors, quel que soit le gouvernement à qui sera donnée cette fonction d’exécuteur des arrêts européens, ce gouvernement sera chargé d’entreprendre et de soutenir la plus triste, la plus funeste, la plus périlleuse des guerres, celle que l’on fait à l’indépendance et à la volonté passionnée, c’est-à-dire à l’existence même d’un peuple qui est en état de se défendre, et dont la force naissante sera surexcitée par l’esprit révolutionnaire. Ce sont de redoutables perspectives, et tout l’art des hommes d’état européens devrait en ce moment être employé à les conjurer. Lorsqu’on a suivi attentivement, depuis deux années, les affaires d’Italie, on demeure convaincu qu’il a été possible à plusieurs reprises d’assurer et de régulariser le mouvement émancipateur de la péninsule dans une direction différente de celle qu’il suit aujourd’hui. Si le programme impérial de la guerre d’Italie avait été entièrement rempli, si la France avait refoulé les Autrichiens jusqu’à l’Adriatique en délivrant Venise, qui doute que la fédération eût été possible en Italie que les renversemens de dynastie et d’autonomie qu’on a vus depuis eussent été épargnés, et que si l’unité était sa destinée finale, l’Italie eût pu y arriver avec une prudente lenteur par une progression régulière ? C’est la paix de Villafranca qui a rendu unitaires les Italiens du nord ; ce sont d’autres incidens qu’il est inutile de rappeler qui ont poussé Garibaldi et ses volontaires dans l’Italie du sud. Chaque obstacle arbitrairement et maladroitement opposé aux Italiens a redoublé leur élan et a précipité leur mouvement vers l’unité que nous voyons se consommer aujourd’hui. Sans doute plusieurs des moyens qui ont été récemment employés dans cette véhémente entreprise ont été déplorables, et nous craignons qu’ils ne suscitent dans l’avenir de terribles difficultés à l’Italie ; mais quand on voit les résultats des erreurs commises par un grand nombre d’hommes politiques d’Europe dans leurs jugemens sur les Italiens de notre temps, quand on voit que les idées fausses de ces hommes d’état ont provoqué les conséquences mêmes qui leur étaient le plus odieuses, on ne saurait porter une circonspection trop vigilante dans le choix des mesures qu’il y aura désormais à prendre à l’égard de l’Italie. Nous avouerons, pour notre part, que nous sommes saisis du spectacle que viennent de donner le gouvernement piémontais, le parlement de Turin et les divers partis qui divisent les Italiens. Nous désapprouvons les longues dissimulations, suivies des violations flagrantes du droit public qui ont marqué l’entreprise du Piémont contre les États-Romains et le royaume de Naples ; mais parmi ceux qui blâment avec nous de tels procédés, quel est celui qui pourrait méconnaître la vigueur de résolution, l’énergie de volonté, l’habileté de décision qui viennent d’être déployées au-delà des Alpes ? Quelle discipline et quelle présence d’esprit dans ces partis, qui, sentant arriver la crise suprême, font taire les plus violentes animosités personnelles pour confondre en une seule voix toutes les voix italiennes, et s’identifier au gouvernement aussi audacieux qu’habile qui s’empare de la direction du mouvement unitaire ! Les embarras de la fausse position où la France est placée ne doivent pas nous