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dans la péninsule ne pouvait convenir à une population turbulente et vigoureuse que les excitations continuelles de la cour de Kandy devaient d’un moment à l’autre entraîner à la révolte. L’île fut donc en 1798 enlevée à la compagnie des Indes, et lorsque le traité d’Amiens (1802) eut définitivement attribué à l’Angleterre la propriété de Ceylan, l’administration de la colonie fut rattachée définitivement au gouvernement de la métropole et confiée à des fonctionnaires nommés par la couronne. Le premier gouverneur, M. North, depuis comte de Guilford, vit clairement que la sécurité de la domination anglaise dépendait de la conquête du royaume de Kandy. N’ayant point de troupes suffisantes pour une attaque de vive force, il songea à mettre en pratique un procédé qui est fort à l’usage de la politique anglaise dans l’Inde et qui consiste à installer un ministre résident et une garnison auprès du souverain indigène, sous prétexte de le protéger et de maintenir le bon ordre dans ses états. Quand ce régime a duré quelque temps, l’annexion apparaît comme une nécessité ; on pensionne ou l’on emprisonne le malheureux monarque, et le tour est fait. Sir James Emerson Tennent, il faut lui rendre cette justice, ne cherche pas à dissimuler le caractère odieux des manœuvres adoptées par M. North pour s’insinuer ainsi dans le royaume de Kandy, en profitant de la trahison du premier ministre, qui, de son côté, conspirait contre la couronne et la vie de son maître. Au reste, cette misérable politique fut cruellement punie. La garnison avec laquelle le gouverneur avait voulu occuper Kandy fut massacrée tout entière en 1803, et ce massacre devint le signal d’une révolte qu’éclata sur les différens points de l’île et refoula les Anglais dans les villes du littoral. Ce fut seulement en 1815 qu’une expédition partie de Colombo alla venger cet outrage infligé aux armes britanniques. Kandy fut pris ; le roi, emmené à Colombo, fut transporté de là dans une forteresse de l’Inde, où devait s’éteindre avec lui la dynastie cingalaise ; un traité conclu avec les chefs proclama la souveraineté légitimé de la Grande-Bretagne, et il semblait que tout fût terminé, lorsqu’en 1817 une seconde révolte mit en feu l’intérieur de l’île, et ne put être étouffée que dans des flots de sang. L’Angleterre a donc payé chèrement la possession de cette colonie, qui aujourd’hui, après quarante ans de paix, sauf une dernière et courte échauffourée en 1848, est remise de tant de secousses et commence à prospérer sous la loi européenne. Parmi ses possessions asiatiques, il n’en est aucune qui lui ait coûté plus de peine à conquérir que ce petit royaume de Kandy, qui, avant elle, avait successivement défié le Portugal et la Hollande, et dont l’histoire, retrouvée dans les manuscrits indigènes, compte de longues périodes de civilisation et de gloire. On doit savoir gré à sir