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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 29.djvu/172

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y faire reconnaître son empire. Les légendes nationales ont enregistré les chasses mémorables, et les plus grands rois ont été les plus intrépides chasseurs. Ces traditions se sont conservées : lorsque les fonctionnaires anglais annoncent une chasse à l’éléphant, les Cingalais quittent leurs villages, et viennent se mettre de plusieurs lieues à la ronde à la disposition des officiers qui commandent l’expédition.

Sir James Emerson Tennent raconte avec détail l’une des chasses auxquelles il assista pendant son séjour à Ceylan. Une vaste enceinte, fermée par des palissades, avait été disposée dans le bois à proximité d’un étang où les piqueurs avaient signalé la trace de plusieurs troupeaux. Une seule ouverture, assez étroite, avait été ménagée d’un côté de l’enceinte. Au jour fixé, deux mille traqueurs, volontaires pour la plupart, s’avancèrent en formant le cercle vers l’endroit où se tenaient les éléphans, et, tantôt par des cris, tantôt par de bruyans coups de tam-tam, ils firent lever les troupeaux, qui, fuyant devant l’ennemi, se dirigèrent vers la porte de l’enceinte, cachée à leurs yeux par un rideau de branchages. Cette manœuvre, renouvelée pendant quelques jours, car il faut de la patience, et la moindre imprudence pourrait tout compromettre, amena insensiblement chaque troupeau au seuil du coral (c’est le terme indien qui désigne l’enceinte, et que les Anglais ont adopté dans leur langage cynégétique). On profita de la nuit pour pousser les éléphans dans l’intérieur, et lorsque l’un des troupeaux, harcelé sur ses derrières par les traqueurs, se fut décidé à franchir la porte, on se hâta de fermer celle-ci au moyen de solides pieux, et l’on attendit. Dès qu’ils se virent pris, les éléphans se précipitèrent furieux vers les palissades. Le moindre choc de leurs énormes masses aurait renversé ces impuissantes barrières, mais on avait compté sur leur timidité naturelle, et chaque fois qu’ils s’approchaient des pieux, les cris des Indiens postés en dehors, le son du tam-tam, les coups de fusil et surtout la flamme des torches les faisaient reculer vers le milieu du coral. Cet état de rage dura toute la nuit. Au matin, les éléphans étaient épuisés ; les uns restaient étendus à terre, les autres s’appuyaient contre les arbres. Toute la famille était ainsi enfermée, et, chose surprenante, on la vit un moment tourner sa fureur contre un éléphant solitaire, qui, bien malgré lui, partageait sa mauvaise fortune. À peine reconnu, l’intrus fut rudement molesté et chassé du groupe. Dans la journée, on introduisit dans l’enceinte deux éléphans apprivoisés, derrière lesquels marchaient avec précaution deux hommes chargés de passer les nœuds coulans aux jambes des captifs, puis d’attacher ceux-ci aux plus gros arbres, et d’amarrer en quelque sorte tout le troupeau. Cette opération pé