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développait guère qu’isolément se sont fondues en un ensemble digne de l’admiration de tous les hommes de guerre. Il nous a paru opportun de dire à quel prix ces résultats ont été obtenus. C’est au moment où se multiplient les inventions nouvelles dans l’art de la guerre qu’il convient de rechercher par quelle série d’efforts un corps nouveau arrive à fixer sa place et à devenir un élément durable de la composition d’une armée.

L’histoire des chasseurs, considérée comme exemple des difficultés d’une création militaire heureusement surmontées, se résume dans deux époques. La première s’étend de 1830 à 1834, l’élément arabe est conservé alors à côté de l’élément français dans la cavalerie nouvelle : le 1er chasseurs nous aidera surtout à caractériser ces curieuses origines. Plus tard, l’élément arabe disparaît, l’originalité du nouveau corps est complète, la jeunesse a succédé à l’enfance : les 2e, 3e et 4e régimens représentent avec éclat la période de vaillans efforts qui se termine en 1847, avec la soumission d’Abd-el-Kader, et que nous pouvons raconter d’après nos propres souvenirs.


I.

Les premiers chasseurs qui parurent dans l’Afrique française portèrent plusieurs dénominations. On les appela chasseurs algériens, et même chasseurs numides, en souvenir sans doute de la redoutable cavalerie d’Annibal, qu’immortalisa la journée de Cannes. Une dénomination plus significative est celle de zouaves à cheval, que nous avons trouvée en compulsant les archives de la guerre. Quand on forma les chasseurs d’Afrique, les zouaves étaient à peine créés, puisque les premiers essais d’organisation de cette nouvelle infanterie datent d’octobre 1830, et que la formation des chasseurs est du mois de décembre de la même année. Déjà cependant on pressentait une sorte de fraternité entre ces deux corps, nés sur la même terre et dans le même temps. Zouaves et chasseurs se prêtèrent en effet toujours un mutuel et fraternel appui.

Avant le chasseur d’Afrique, l’armée avait déjà le chasseur à cheval, créé en 1780. Le chasseur à cheval avait noblement répondu à l’appel du pays ; il s’était couvert de gloire depuis Hohenlinden, sous Montbrun, son colonel, jusqu’aux champs, néfastes de Waterloo[1]. Ce fut un régiment de chasseurs français qui servit de noyau à la création nouvelle. Le 17e régiment de chasseurs à cheval, aujourd’

  1. On sait qu’une des dernières charges de cette sanglante journée fut exécuté par le 3e chasseurs, colonel de Lawœstine, sur les dragons anglais de la garde.