Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 29.djvu/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

heures, cette colonne rencontra la nombreuse cavalerie de l’émir, qui chercha immédiatement à l’envelopper en la débordant sur ses ailes. Ce mouvement des Arabes avait pour but de couvrir leur camp de Medjazergua, qu’ils venaient de lever ; deux bataillons d’infanterie régulière, forts chacun de six à sept cents hommes, protégeaient leur retraite. À la vue de nos colonnes, qui s’avançaient sur elle, cette infanterie, nouvellement disciplinée à l’européenne, se forma en carré. Le colonel Bourgon, enlevant vigoureusement le 4e de chasseurs, s’élança sur cette colonne d’infanterie avec une rare impétuosité. Les carrés furent enfoncés, taillés en pièces. Les Arabes qui parvinrent à se sauver se jetèrent dans des ravins profonds, où le sabre de nos cavaliers ne pouvait les atteindre ; beaucoup d’entre eux, grièvement blessés, y périrent. La cavalerie ennemie voulut alors se porter au secours de son infanterie ; la nôtre aussi arrivait au pas de course. On se battit de part et d’autre avec une grande intrépidité ; mais tout fut culbuté par nos chasseurs. À la vue de cette déroute, un bataillon des réguliers de l’émir, qui était resté en position, spectateur du combat, s’empressa de battre en retraite pour échapper à la destruction qui l’attendait, et regagna en toute hâte les hauteurs les plus reculées. Le 4e chasseurs, nouvellement formé, n’avait pas encore reçu son étendard ; il était digne de lui d’en prendre un à l’ennemi. Le maréchal-des-logis Tellier entra, dans le carré, tua le porte-drapeau, et enleva l’étendard du bataillon de l’émir. Cette rude affaire devait coûter aux chasseurs un de leurs plus braves officiers, le commandant de L’Esparda, tué dans la charge.

A partir de ce jour mémorable, le 4e chasseurs poursuivit ses succès chez les Ouled-Assas, chez les Beni-Sala. Au bout d’un an, treize cents chasseurs, bien équipés et d’une bravoure à toute épreuve, donnaient la mesure de celui qui les avait formés. De l’est, le 4e alla dans la province d’Alger, assista aux ravitaillemens de Médéah et de Milianah, sous le général Changarnier. Le 15 juin 1842, il était dans le sud. On le vit se distinguer à l’Oued-Foddah. Avec son nouveau colonel Tartas, il assista au brillant combat contre les Kabyles du Réou ; enfin l’année 1843 le trouva à Taguin, sous M. le duc d’Aumale, Tout devait s’effacer devant ce beau fait d’armes qui amena la prise de la smala d’Abd-el-Kader, et fournit la preuve éclatante de ce qu’on peut attendre d’un habile emploi de la cavalerie d’Afrique.

Au commencement de mai 1843, M. le duc d’Aumale quitta Boghar avec les 38e, 64e de ligne, les zouaves et les chasseurs d’Afrique (le 4e seul) : Le jeune prince marchait sur la smala de l’émir. Des renseignemens dignes de foi la plaçaient dans les environs de Goudjillat.