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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 29.djvu/238

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pouvoir, de l’honorable général M. Bastide, ministre des affaires étrangères sous le général Cavaignac établit péremptoirement par la publication de ses dépêches, d’abord que le général n’était point un dictateur, puisqu’il réservait à l’assemblée nationale la décision des mesures qu’il y aurait à prendre à l’égard de la révolution romaine, ensuite que le gouvernement républicain de cette époque avait donné pour instruction à ses ministres de ne point intervenir dans les affaires de Rome, et de se borner à protéger la personne du pape. Mais à côté de ces inexactitudes de fait, et à travers un excès de sévérité contre la politique piémontaise, on est saisi des lumineuses intuitions du poète et des éloquens aperçus du grand orateur politique. M. de Lamartine est ouvertement contraire à l’unité de l’Italie ; il indique avec profondeur les tendances républicaines du génie italien, et croit que ces tendances et les traditions historiques de la péninsule ne peuvent trouver, leur satisfaction légitime que dans une organisation fédérale. Nous ne dirons pas que M. de Lamartine nous a convaincus, mais nous avouerons qu’il nous a vivement émus. Sans céder aux idées systématiques du grand poète, les Italiens peuvent trouver dans cet écrit des avertissemens qu’une sagacité vraiment politique saurait mettre à profit. Il en ressort du moins un enseignement de prudence singulièrement opportun ; à l’heure où le mouvement italien, dans sa marche préméditée contre l’Autriche est en train d’accomplir sa seconde étape et va se trouver tenté d’entreprendre la troisième, l’invasion des états pontificaux.

Nous avons si souvent déjà dénoncé aux italiens les énormes difficultés qu’ils soulèveront contre eux dans le monde en attaquant les états de l’église, que nous, appesantir sur ce sujet serait tomber dans d’oiseuses redites. Nous voudrions leur présenter seulement une observation ; s’ils persistent à attaquer les états romains, ils vont directement froisser des intérêts, des sentimens français, et affaiblir de gaieté de cœur ces sympathies françaises qui leur ont été si profitables, La France a, dans la question des états de l’église, des intérêts de plus d’une sorte. Parmi ces intérêts, l’intérêt catholique, attaché à la conservation du pouvoir temporel du pape occupe une telle place qu’il n’est pas nécessaire d’en définir de nouveau l’importance ; mais il est une autre considération, secondaire sans doute, une considération d’honneur politique qui nous touché de très près, et à laquelle on fera bien de prendre ; garde à l’avance. Il y a des troupes françaises à Rome, et l’on dit qu’on les renforce encore d’un régiment en ce moment même. Se figure-t-on, les volontaires ayant envahi les états de l’église, l’impression que produira en France et en Europe la vue de cette troupe française enfermée, immobile dans Rome, comme dans une île enveloppée d’une mer garibaldienne ? La marée des volontaires respectera la limite tracée par nous pour la protection personnelle du saint-père : elle n’ira pas plus loin, mais de toutes parts elle viendra déferler sur l’enceinte marquée par nos drapeaux. Nous enfermés dans Rome et Garibaldi tenant sous nos yeux la campagne, ce sera, sinon la contre-partie exacte, du moins le plus étonnant contraste