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municipes romains, à s’occuper de leurs affaires ? L’empereur accomplit son voyage dans les nouveaux départemens. On espérait que ses discours jetteraient quelque lumière sur la situation extérieure. Nous n’avons vu jusqu’à présent que le discours de Lyon, lequel ne nous apprend rien sur les affaires étrangères, réitère les assurances pacifiques si souvent données, et, par quelques expressions caractéristiques, trahit un chagrin que l’empereur n’est point seul à éprouver. La session des conseils-généraux s’achève à peine. Quelques discours prononcés à l’ouverture de ces assemblées nous ramènent encore aux préoccupations extérieures. Parmi ces harangues, la plus importante est celle de M. de Persigny. La sécurité et la confiance rentreraient à coup sûr dans les esprits, si cela dépendait de notre ambassadeur à Londres. L’excès de son optimisme a nui à l’effet favorable que M. de Persigny devait attendre de son discours. Les paroles prononcées par lord Palmerston vers la fin de la session, le discours de clôture du parlement, présentaient aussi un contraste trop marqué avec les appréciations confiantes de M. de Persigny. Comme il était trop aisé de le prévoir, les récentes déclarations de lord Palmerston ne sont point une réplique courtoise à la lettre de l’empereur. Si nous étions une république, si nous étions directement associés à la conduite de notre politique étrangère, et si par conséquent nous avions le droit de prendre pour nous les observations de lord Palmerston sur la politique française, il nous semble que nous aurions lieu d’en être blessés ; mais nous n’avons pas qualité pour nous montrer à cet égard plus susceptibles que M. de Persigny. Lorsque pourtant notre ambassadeur affirme que la chute de l’empire ottoman ne serait point une occasion de guerre européenne et ne fournirait matière qu’à des négociations diplomatiques, il nous sera permis de nous récrier sur la nouveauté d’une telle opinion, de rappeler que lord Palmerston a exprimé récemment à plusieurs reprises un avis tout à fait contraire, et que l’opinion de lord Palmerston est, en pareille question, d’une autorité incontestable. Nous croyons que l’état de la Turquie est peut-être pour les intérêts pacifiques un sujet d’inquiétudes plus menaçant encore que la condition de l’Italie. Un autre président de conseil-général, M. de La Guéronnière, a, dans son discours, abordé la plus intéressante des questions intérieures, la question de liberté. « Les vrais amis de la liberté, a dit l’orateur, ne sont pas ceux qui la flattent, mais ceux qui la modèrent. » Nous le voulons bien ; mais la question serait de savoir si la liberté n’est pas en ce moment plus modérée en France que flattée. Ses flatteurs ne sont ni nombreux, ni dangereux à coup sûr, car où sont, grand Dieu ! les faveurs que la pauvre liberté serait en mesure de leur donner ? M. de La Guéronnière ne trouve-t-il pas qu’en remplaçant un mot par un mot, liberté par autorité, sa phrase exprimerait un principe plus applicable à notre temps ? Mais M. de La Guéronière nous fait espérer, et nous l’en remercions, que nous arriverons par degré « à ce qu’une voix auguste a appelé le couronnement de l’édifice. » Voilà, croyons-nous, le grand moyen et le plus efficace qui