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celui qui suit l’entrée à l’académie. On s’est dit qu’un collège militaire s’élevait à un point d’intersection de la vie, entre une bonne éducation générale qui finit et le service professionnel qui commence. Le caractère, l’esprit, les manières du candidat sont censés formés selon les usages du monde ; il est arrivé à cet âge où l’homme se cherche et se détache de la généralité pour choisir une carrière. Jusqu’ici la somme de son instruction classique ne diffère encore que par des nuances de celle qui convient en même temps à l’église, au barreau, à la médecine. Sur cette éducation générale, que les Anglais appellent gentleman’s éducation, l’enseignement de l’académie militaire vient greffer des connaissances pratiques.

On sait quand et comment on entre à l’école de Woolwich ; il faut dire à présent ce qu’on y fait. La maison est dirigée par un gouverneur (aujourd’hui le colonel Wilford), un inspecteur des études, un assistant inspecteur et un chapelain. À leur entrée, les cadets revêtent tous l’uniforme militaire. Leur temps se partage entre les études théoriques et l’exercice du fusil, du canon, du cheval. Les premières chaires de mathématiques ont toujours été occupées dans l’institution par des professeurs éminens, Derham, Simpson, Hatton, Olynthus Gregory, Barlow, et maintenant M. Silvester. Parmi les autres branches de connaissances qui se rapportent plus directement à la profession des armes, je citerai l’histoire militaire, l’art des fortifications et la science de dresser des plans. Il y a en tout trente-cinq professeurs, parmi lesquels huit enseignent les langues vivantes, le français et l’allemand[1]. Il est inutile d’insister sur un programme d’études qui est à peu près celui de toutes les grandes écoles militaires en Europe. Je voudrais seulement préciser le caractère moral de l’éducation anglaise : elle se propose surtout (j’emprunte les termes du savant professeur Olynthus Gregory) de découvrir et de féconder chez l’homme les sources divines du gouvernement de soi-même, the heavenly springs of self-government. Savoir pour l’Anglais, c’est pouvoir, et il ne néglige rien pour développer, en même temps que les lumières de l’esprit, les forces de la volonté. Afin de mieux apprendre à commander un jour, les cadets apprennent d’abord à obéir. La discipline se maintient dans les murs de l’école, en partie du moins, par les élèves eux-mêmes. On donne le nom de caporaux à des

  1. L’étude du français est bien plus répandue en Angleterre que l’étude de l’anglais ne l’est en France. C’est l’usage de quelques familles anglaises d’envoyer leurs enfans sur le continent pour les familiariser avec les langues étrangères, et aussi pour leur apprendre de bonne heure à être hommes en se passant jusqu’à un certain point de la tutelle de l’autorité domestique. L’étude du français a fait même en Angleterre dans ces derniers temps des progrès considérables, qui tiennent à une amélioration dans le corps enseignant. Des hommes instruits, éloignés de France par les événemens politiques, ont puissamment contribué à étendre le goût de la langue et de la littérature françaises.