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goût et, qui pis est, contre la moralité même de son sujet, tantôt en associant des images symboliques qui se démentent entre elles, tantôt en substituant absolument les formules de la tradition profane à l’expression religieuse que commandaient le monument et le lieu. Il ne suit pas de là que l’on doive réprouver aussi, en tant que style historique, le style choisi par Simart, et cette intervention du nu ou du costume antique dans la représentation de faits modernes. Si, au lieu d’un tombeau, il se fût agi seulement d’élever un monument commémoratif des événemens qui ont illustré le règne de Napoléon Ier, ces formes d’expression empruntées à une langue morte, mais intelligible à tout le monde, nous paraîtraient aussi opportunes, aussi bien appropriées au sujet que les formes invariables du passé employées dans les inscriptions pour perpétuer les souvenirs du présent. Cependant, dira-t-on, les termes du programme étaient précis. En les interprétant à sa guise, en supprimant ici les signes caractéristiques et la physionomie même de nos mœurs, on courait le risque de fausser le sens précis de chaque scène, ou tout au moins d’aboutir à l’équivoque. Le moyen par exemple de figurer létablissement de la cour des comptes ou la création du conseil d’état en groupant des hommes sans costume officiel ou-même sans costume d’aucune sorte ? Comment pourrons-nous reconnaître lorganisation de l’université là où les cinq facultés nous apparaîtront vêtues à la façon des Muses, et les lycéens aussi dévêtus que des gymnastes ? Rien de moins facile en effet ni de plus déplacé, si l’office de ces bas-reliefs eût été, comme celui de certains tableaux d’histoire, de reproduire le fait proprement dit et de nous donner le procès-verbal de telle scène, les portraits authentiques de tels personnages connus et nommés. L’esquisse du serment du Jeu de Paume, où David s’est plu à transformer les députés du tiers-état en spécimens de myologie, prouve assez le non-sens du nu et le ridicule de la science à outrance en pareil cas ; mais le travail confié à Simart n’avait ni les mêmes conditions, ni les mêmes exigences strictement historiques. L’essentiel n’était pas de nous montrer, à côté de l’empereur et sous une apparence conforme de tous points à la réalité, les hauts fonctionnaires qui l’ont aidé dans l’accomplissement de ses desseins, encore moins les objets d’habillement ou le mobilier de son époque. Ce qu’il importait de définir bien plus que les traits et les costumes de Cambacérès ou de Fontanes, c’était le principe et l’objet des institutions nouvelles, c’était la pensée même qui avait créé le conseil d’état ou réorganisé l’université. Quoi de plus naturel dès lors et de mieux en rapport avec la grandeur de ces institutions que d’en résumer l’esprit en quelques traits au-dessus du fait matériel et de la vérité passagère ? Quoi de plus