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prendre par les Espagnols. les autres prisonniers étaient des types repoussans et sauvages.

Le caractère de ces combats apparaît assez dans ce que dit un écrivain, M. Alarcon, qui a servi en volontaire aux chasseurs de Ciudad-Rodrigo, et qui a raconté ce qu’il a vu. « Dans les autres guerres, dit-il, on sait le nombre, la qualité de l’ennemi ; … on a une idée de son nom, de son caractère, de son histoire, du chemin qu’il a suivi, du lieu où il campe. En voyant paraître les Maures, on ne sait rien, sinon qu’ils sont là, qu’ils peuvent être un million d’hommes ou une simple guerrilla, que la terre foulée par nous les vit naître, et que notre présence les arrache à leurs terriers, qu’ils viennent contre nous comme ils sont venus hier, comme ils viendront demain, sans que des déroutes consécutives les découragent, sans que leurs pertes les amoindrissent ou que notre supériorité les intimide… » Ce que cela veut dire, c’est que les Marocains, mal armés, mal organisés, avaient pour eux la fureur aveugle du courage et le prestige du mystère. Ainsi sur cette côte hasardeuse et difficile, peu favorable par elle-même aux combinaisons stratégiques, l’armée espagnole marchait ou campait, aux prises avec les rudesses exceptionnelles de la saison et avec les maladies, travaillant d’une main et combattant de l’autre, ouvrant un chemin à travers les fourrés épais et ayant sans cesse à faire face à une nuée d’ennemis qui s’abattait sur ses flancs. Un mois et demi s’était passé, elle n’était encore qu’à deux lieues de Ceuta et elle avait livré plus de quinze combats. Le 23, le 24 et le 25 novembre, au lendemain même du débarquement, les retranchemens des hauteurs de Ceuta sont violemment assaillis, et le général Echague est blessé dans l’une des actions. Le 30, nouveau combat, où une habile manœuvre du général Gasset coupe la retraite aux assaillans. Le 8 décembre, c’est Prim qui, prenant la tête du mouvement sur Tetuan, se heurte contre les bandes arabes, et le 12 il les rencontre encore. Le 15, au moment où l’armée assiste à une messe célébrée pour les premiers morts de la campagne, quinze mille Maures se jettent audacieusement sur les camps espagnols, et c’est le tour du corps du général Ros de Olano de faire face à l’ennemi. Le 25 décembre, le jour de. Noël, les Arabes célèbrent la fête chrétienne par un nouvel effort tenté contre le troisième corps, et le 30, la lutte recommence. Je ne rappelle que les principales actions. Chaque jour jusqu’ici pourrait se résumer dans ce court et éloquent, bulletin : « Il pleut, le choléra redouble, on travaille au chemin de Tetuan, et les Maures paraissent. »

Il y avait pourtant les jours de soleil et de paix, et alors le soldat reprenait vite sa gaieté ; il s’amusait de ses souffrances de la veille et