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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 29.djvu/477

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crire imparfaitement, 10 sachant bien lire et écrire, 3 d’une instruction supérieure. En Angleterre, les quatre mêmes catégories sont représentées par les chiffres 29, 54, 15 et 2. La différence entre les personnes d’une instruction supérieure et celles des deux catégories ignorantes est telle que le doute n’est pas possible. Observons, au même point de vue, les attentats contre les propriétés. En France, sur 100 coupables de ce genre de crimes, 55 sont totalement illettrés, 31 ne savent lire et écrire qu’imparfaitement, 11 savent bien lire et écrire, 3 possèdent une instruction supérieure. En Angleterre, une semblable moyenne donne pour la première catégorie 33, pour la seconde 57, pour la troisième 9, et pour la quatrième 1. Nous retrouvons donc ici les mêmes résultats que pour les crimes contre les personnes, et, à en juger par ce tableau, il semble que la criminalité soit en raison inverse de l’instruction ; mais pour que ces chiffres deviennent tout à fait concluans, il faut tenir compte du rapport dans les deux pays entre le nombre des illettrés et celui des personnes instruites, car il est clair que si les ignorans sont de beaucoup les plus nombreux, ils doivent dans la criminalité générale entrer pour une part sensiblement plus forte. Toutefois les chiffres que nous fournit l’Angleterre, où l’instruction est plus répandue que dans notre pays, prouvent que l’inégalité de criminalité des quatre catégories n’est pas proportionnelle au nombre absolu des individus que chacune d’elles embrasse. Il ne s’agit cependant ici que des crimes pris en bloc, et les recherches de M. Guerry, aussi bien que celles de MM. d’Angeville et Fayet, montrent que l’influence de l’instruction primaire n’est pas généralement aussi bienfaisante qu’on aurait dû le supposer. En effet, si la répartition géographique de la criminalité dans les attentats contre les personnes place aux premiers degrés des départemens tels que la Corse, l’Ariège, les Basses-Alpes, où l’instruction est peu développée, il en est d’autres classés entre les plus criminels, comme le Haut et le Bas-Rhin, qui occupent un échelon élevé sous le rapport de l’instruction ; réciproquement, à la fin de la liste, nous rencontrons des départemens où l’instruction primaire est fort peu répandue, l’Ain, le Cher, la Creuse, Saône-et-Loire. Dans les attentats contre les propriétés, la plus grande criminalité appartient incontestablement en moyenne à la catégorie des départemens les mieux classés sur l’échelle de l’instruction.

Pour évaluer l’état de l’instruction primaire dans un département, on ne s’est pas fié à la statistique des écoles, qui ne mérite, ainsi que l’ont fait remarquer MM. Cousin et Moreau de Jonnès, qu’une médiocre confiance. M. Fayet, statisticien fort zélé, s’est appuyé sur les données que lui fournit l’état d’instruction des conscrits de chaque département, exactement constaté par le ministère de la guerre, et les chiffres