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dont la tranquillité est le vœu. Ce contraste entre la confiance respirée par le discours impérial et l’événement contradicteur qui éclatait à l’heure même n’est-il pas le trait caractéristique de notre temps, l’explication parlante de nos anxiétés et de nos surprises ?

Mais avant d’examiner les graves conséquences de la résolution piémontaise, disons un mot de la singulière révolution de Naples, qui a précipité les décisions du gouvernement sarde.

C’est un lieu commun de prétendre que les peuples ont toujours le gouvernement qu’ils méritent, un lieu commun oiseux, car on peut le retourner contre les gouvernemens, et dire que les gouvernemens font les peuples à leur image, ce qui est tomber d’aplomb dans un cercle véritablement vicieux. Nous n’aimons pas les sévérités prodiguées aux pauvres peuples, mineurs éternels, condamnés à tant de misères, dont la pire n’est point de servir de thème à des figures de rhétorique contradictoires. Si pourtant il était équitable et sensé de prendre à partie cet être de raison que l’on nomme un peuple, il faudrait convenir que le spectacle que vient de présenter le peuple napolitain ne donnerait pas tort à ceux qui prétendent qu’il ne valait pas mieux que son gouvernement. Le jeune roi qui vient de quitter Naples a été renversé sans héroïsme, mais il n’est point tombé sans une certaine noblesse. Il y a eu quelque chose de touchant dans sa triste résignation. On assure que, dès l’origine des troubles, il ne s’était fait aucune illusion sur le sort qui l’attendait. Il se sentait impuissant à réagir contre le triste héritage qu’il avait reçu. Il voyait que la population, l’armée, la marine surtout, travaillées par toute sorte de menées, voulaient sa chute. Il n’avait ni le génie ni le temps nécessaires pour régénérer le pouvoir que son père lui avait transmis, pour changer par une puissante diversion le courant des idées et des mœurs napolitaines. Il savait qu’il ne serait pas sérieusement défendu, ou qu’une tentative de lutte ne ferait que donner lieu à une effusion de sang trop cruelle, puisqu’elle devait être inutile, et donner prétexte à de hideux désordres. C’est ce qui explique et jusqu’à un certain point relève la passivité qu’il a affectée. Avant les ministres qui l’entouraient ou du moins avec eux, il avait appliqué sa pensée à un seul objet : épargner à son règne si court la douleur d’une conclusion sanglante, et transférer doucement aux hommes et aux idées qui en voulaient à son trône la responsabilité du pouvoir et du nouvel ordre de choses. Peut-être, dans un pays dont la première préoccupation est de ne point se battre, une telle conduite était-elle la plus politique, peut-être était-ce, pour se ménager le profit des réactions à venir, un habile calcul de finir de cette façon pacifique et douce ; mais il serait injuste d’attribuer aux vues de la politique ce parti-pris du roi de Naples, et de n’en point faire honneur surtout à ses sentimens d’humanité.

Le départ du roi s’est donc accompli avec une sérénité mélancolique. La dignité de son attitude est surtout ressortie à côté de l’abandon si lâche dont