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quant à la couronne, on amortit l’échec en lui laissant l’attribut nominal.

On peut multiplier les exemples ; ils concluront tous dans le même sens, la dissemblance des institutions. Pour notre corps d’officiers, nous avons une école navale qui est le point de départ de leur carrière, et où ils acquièrent la brillante et solide instruction qui les distingue. Nous devons à cette école une élite qui est l’honneur et l’espoir du pays. Cependant on y crée des marins un peu artificiellement. À l’âge où les jeunes gens passent leurs examens pour y entrer, ils n’ont pas encore la conscience de ce qu’ils sont ni des aptitudes dont ils ont le germe. Ils obéissent moins à un goût décidé qu’à un vague désir et à une fantaisie. Ils trouvent que l’épaulette leur siérait et se plaisent à l’idée de la porter de bonne heure. La plupart n’ont connu la mer que par leurs lectures ou à travers le prisme de leur imagination : les aventures, les campagnes leur sourient. Quelquefois c’est la famille qui porte de ce côté ses préférences ; elle a en vue de donner à l’activité de l’adolescent un but et un emploi, de l’arracher aux dangers de la vie oisive, de l’habituer à la discipline, de lui fournir de bonne heure les moyens de se suffire. Ces impressions sont très superficielles, et ces calculs se font un peu au hasard ; de là plus d’une vocation douteuse. Les cadres reçoivent ainsi des sujets qui n’ont pas, au degré désirable, l’étoffe du marin. Si les Anglais ne sont point à l’abri de ces désappointemens, ils ne s’y exposent pas d’une manière aussi gratuite. Leur véritable école est la mer, et ils veulent qu’on y arrive, autant que possible, d’une manière naturelle. Il y a chez eux deux genres de vocation, la naissance et le goût. Pour une portion des cadets des familles titrées, c’est une destination pour ainsi dire héréditaire : ils appartiennent à la flotte parce que leurs ancêtres lui ont appartenu ; ils s’accoutument dès l’enfance à la perspective d’y entrer, s’y préparent aussi par leurs études, et l’instant venu, montent à bord comme ils entreraient dans leur maison. Pour les autres catégories d’officiers, les accès de la profession sont plus rudes ; comme ils n’ont pas leur brevet en poche, il faut qu’ils le gagnent par une capacité démontrée et des services persévérans ou éclatans. Il faut alors avoir, et au plus haut point, le goût de la mer, la vigueur d’esprit et.de corps nécessaire pour y faire bonne figure, la résignation dans les postes obscurs pour arriver à dès postes plus élevés, enfin la notion complète du métier, qui est le premier et le plus sûr des titres. De ce mélange d’officiers de naissance et d’officiers de fortune est résulté pour l’Angleterre un fonds solide, sur lequel la bonne conduite de ses flottes a reposé sans jamais se démentir. Un fait digne de remarque, c’est que les plus illustres de ses capitaines appartiennent à la catégorie des parvenus. Nelson était fils d’un recteur de paroisse,