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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 29.djvu/651

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verra éclater périodiquement des secousses qui mettront périodiquement aussi la paix du monde en question.


III

En face de ces périls, l’Europe ne saurait rester inerte et désarmée, et elle doit comprendre que la surveillance exercée par chacun pour son compte particulier sur les éventualités de l’avenir n’est une garantie suffisante pour personne. Dans l’intérêt de tous, il convient d’organiser quelque autorité qui soit pour la politique générale ce qu’ont été en Californie les comités de vigilance qui ont sauvé l’ordre social, et le meilleur moyen de constituer cette autorité serait de rendre permanente, en vue des affaires de l’Orient, la conférence que la force des choses amènera nécessairement à réunir pour statuer sur les affaires de la Syrie. On n’imaginera sans doute pas un tribunal qui soit plus capable de maintenir l’harmonie entre les cabinets, de rassurer toutes les prétentions légitimes et d’arrêter par le seul fait de son existence le travail des intrigues qui couvrent aujourd’hui de réseaux mystérieux toute la surface de l’empire ottoman.

L’idée d’ailleurs n’est pas tout à fait nouvelle. Lord Stratford de Redcliffe, qui connaît sans doute la question mieux qu’aucun homme vivant, a proposé, il n’y a pas longtemps, dans l’une des séances de la chambre des lords, de former une conférence spéciale des cinq grandes puissances qui serait chargée de présider d’une manière permanente à l’arrangement ou à la discussion des moyens d’arrangement que peuvent présenter les affaires d’Orient. Il n’y a, ce semble, aucune bonne raison à faire valoir contre le principe de cette sage proposition : la conférence rendrait les plus grands services à tous et à chacun ; j’ignore quel intérêt avouable pourrait y trouver l’ombre d’une menace contre ses espérances ou ses projets légitimes. Si la proposition était faite officiellement par l’une quelconque des grandes puissances, je ne sais laquelle pourrait la décliner. S’il en était une qui le voulût, l’opinion publique, dont le pouvoir est toujours grand, l’aurait bientôt contrainte à l’accepter. D’ailleurs il ne paraît pas que l’hypothèse même soit bien sérieuse. Après de longs efforts pour empêcher les affaires d’Orient d’entrer dans la sphère d’action du concert européen, la Russie n’a-t-elle pas appris à ses dépens qu’elle poursuivait une impossibilité ? L’expérience qu’elle a faite l’a sans doute détournée pour jamais de cette voie ; du moins une des dernières communications faites par le prince Gortchakof au corps diplomatique accrédité près de son souverain témoigne-t-elle qu’aujourd’hui le cabinet de Saint-Pétersbourg renonce à une action séparée. La signature des protocoles