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IV.

En résumé, l’explosion qui vient de se faire en Syrie n’est malheureusement pas un accident isolé, mais le symptôme d’une situation générale à laquelle il faut aviser. — Toutes les hypothèses qui ont été avancées jusqu’ici avec le but avoué de conserver l’autorité nominale du sultan sur la Syrie ne présentent pas de garanties suffisantes pour l’établissement d’un gouvernement quelque peu digne de confiance dans cette province ; par suite de sa constitution ethnologique, il est impossible de trouver les élémens de ce gouvernement dans le pays lui-même. — Pour constituer ce gouvernement, il ne faut pas songer, quoique la majorité des habitans soit de religion mahométane, à aucun musulman, attendu qu’il ne saurait tirer de nulle part ni d’aucun des princes de sa religion les secours qui seraient indispensables à l’assiette d’un gouvernement. — L’Europe seule serait capable de fournir ces moyens, et par suite, la Syrie étant regardée en droit comme un bien tombé en déshérence, il y a lieu, dans l’intérêt général, d’instituer un prince chrétien et de race européenne en Syrie malgré les scrupules que peut inspirer la considération du droit écrit. — Depuis trente ans et plus en effet, comme il est prouvé par l’exemple de l’Algérie, de Tunis, de la Grèce, de l’Égypte, de l’Arabie, de la Syrie, la vie se retire des extrémités de l’empire ottoman, et il n’est au pouvoir d’aucune combinaison humaine de l’y faire rentrer. — Le monde n’a pas à regretter les distractions qui ont été déjà faites à ces extrémités malades et abandonnées de l’empire ottoman, tandis que d’un autre côté il n’a pas réussi, soit par les événemens de 1840, soit par la guerre de Crimée, à restituer à cet empire la vitalité qui l’abandonne. — Le choix à faire d’un prince ne peut être déterminé autrement que par une conférence des grandes puissances. — Enfin il serait d’une bonne politique de rendre cette conférence permanente pour la discussion des affaires de l’Orient ; ce serait encore le meilleur moyen de prévenir les surprises qui menacent la paix générale, d’épargner à la Porte et au monde une grande partie des embarras qui naissent de l’isolement réciproque où se tiennent les puissances relativement à cette question, comme aussi de rendre d’immenses services à la civilisation et aux intérêts de toutes les nations européennes pu asiatiques.

En finissant, je ne saurais m’empêcher de protester contre les clameurs inconsidérées qui, à chaque convulsion de l’empire ottoman, s’élèvent, et en France plus mal à propos qu’ailleurs, pour demander l’extermination ou l’expropriation des Turcs. On peut admettre que dans les dépendances du vaste empire où les Osmanlis n’ont jamais