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heureuse et un sentiment parfait des situations dramatiques dans le cadre et le style tempéré de l’Opéra-Comique. Telles sont aussi les qualités qui distinguent la partition du Chaperon rouge, qui a précédé la Dame Blanche de sept ans. Boïeldieu n’est pas un grand musicien, mais il est sérieux, laborieux, amoureux de son art, dont il s’efforce de surmonter les difficultés, et il a le don suprême de la grâce et de l’invention mélodique. Il est un peu dans l’école française, dans le cadre modeste où a brillé son aimable génie, ce que Cimarosa est dans l’école italienne, un mélange heureux de finesse et de sentiment, de gaieté tempérée, de tendresse, de sourires et de larmes, un bouquet exquis de chants et d’harmonies faciles appropriés à la situation. L’œuvre de Boïeldieu forme l’heureuse transition entre Grétry et Hérold, qui est, avec Méhul et Cherubini, la plus haute expression musicale du genre de l’opéra-comique.

La plus grande partie des morceaux du Chaperon rouge est devenue populaire. Tout le monde connaît la jolie romance Le noble éclat du diadème, — les délicieux couplets Robert disait à Claire, — l’air Anneau charmant si redoutable aux belles, — la ronde Depuis longtemps gentille Annette, — et le chœur de L’aurore naissante. Quelle est la partition moderne, je vous prie, qui renferme un si grand nombre de mélodies saillantes vivant de leur propre vie et pouvant être surprises, sans désillusion, dans le simple appareil d’un accompagnement de piano ? Oh ! nous sommes devenus trop savans pour nous contenter de ces simples et touchantes mélodies, qui ne sont bonnes que pour les admirateurs soucieux des chefs-d’œuvre du passé, le Chaperon rouge est monté aussi bien que possible avec le personnel existant à l’Opéra-Comique. Mme Faure-Lefebvre est gracieuse dans le rôle de Rose-d’Amour, et M. Montaubry, qui vient de prendre tout récemment le rôle de Rodolphe, confié d’abord à M. Crosti, y montre du talent comme chanteur et une certaine désinvolture qui n’est pas dépourvue de grâce comme comédien. Nous trouvons même que M. Montaubry a fait des progrès, et qu’il est parvenu à corriger un peu l’afféterie et le style trop léché que nous lui avons reprochés si souvent. M. Montaubry chante avec plus de naturel, et sa manière de phraser nous a paru plus large et d’un meilleur goût. Allons, que la direction nouvelle de l’Opéra-Comique persévère dans sa louable activité, et le public ne fera pas défaut à ce théâtre, aimé de la grande majorité du peuple français.

Comme tous les ans, le Théâtre-Lyrique a rouvert ses portes le 1er septembre. Il avait clos la saison précédente par quelques petits ouvrages en un acte, tels que les Valets de Gascogne, représenté le 2 juin, et dont la musique fade et incolore est d’un M. Dufresne et le libretto de M. Philippe Gilles. Le 17 juin, le même théâtre a eu le courage de donner Maître Palma, en un acte, dont la musique, assure-t-on, est l’œuvre d’une femme qui a gardé l’incognito. Nous pouvons louer au moins sa modestie. Le Théâtre-Lyrique avait fait mieux que cela en reprenant le-5 juin les Rosières, opéra-comique en trois actes de M. Théaulon, musique d’Hérold. Ce charmant ouvrage, où l’on sent déjà la main de l’auteur de Marie, de Zampa et du Pré aux Clercs, a été représenté pour la première fois le 27 janvier 1817. Hérold, qui devait mourir si jeune, hélas ! avait alors vingt-six ans.

Il était arrivé d’Italie depuis deux ans, et ne s’était encore fait connaître