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mais de la papauté exagérée qui est sortie des maximes de l’ultramontanisme moderne. Je comprends très bien le pape suzerain féodal de provinces assez libres ou protecteur de petites républiques ; je ne comprends pas aussi bien le pape constitutionnel, au moins avec les formes d’une représentation centrale. Ce prêtre, qu’il faut faire souverain pour ne le subordonner à aucun souverain, ne doit-on pas craindre de le subordonner à ses sujets ? Le catholique, dont la conscience se révolte s’il peut croire que celui qui représente à ses yeux la vérité subit quelque contrainte du dehors, ne se révoltera-t-il pas bien plus encore si son chef infaillible et impeccable dépend d’une chambre toute profane et plie devant son cabinet ?

La religion enfin aspirant de nos jours de plus en plus à se renfermer dans les âmes, le fatal attachement à la terre qu’implique le nouveau système ultramontain deviendra très antipathique aux personnes vraiment religieuses : elles finiront par voir un acte de peu de foi dans cette perpétuelle défiance de la vertu du secours divin. Il y a des indépendances tout humaines qui savent fort bien se maintenir sans posséder un coin de terre ; pourquoi celui qu’assistent la force et la lumière d’en haut n’aurait-il pas le même courage ? Une fausse idée de la souveraineté est au fond des jugemens que portent sur ce point les catholiques ; on commence par supposer que l’on ne peut être en même temps libre et sujet, que le souverain est nécessairement un Louis XIV, possédant à la fois les corps et les âmes. Que les catholiques s’unissent à nous pour tâcher qu’il n’en soit plus ainsi. Au lieu de fonder l’indépendance de la foi sur des murailles de pierre, qu’ils travaillent à conquérir la liberté pour tous et à réduire les droits de l’état sur les choses de l’esprit. Que l’action du pape se borne aux intérêts purement religieux, aucun gouvernement n’essaiera de le gêner sur ce terrain. La confession d’Augsbourg, pour se maintenir, n’a pas besoin d’un représentant souverain : elle se défend par la foi commune de ses adhérens.

De toutes parts nous arrivons donc à ce résultat, que l’établissement catholique fondé sur l’aliénation éternelle d’une partie de l’Italie ne saurait se maintenir. L’imprudence que le catholicisme a faite en se centralisant outre mesure apparaîtra avec une effrayante clarté. On maudira le jour où César Borgia donna à la papauté les provinces qu’il avait conquises par des procédés admirés de Machiavel. Ah ! gonfalonier de la sainte église, quel triste cadeau vous lui avez fait ! On regrettera les moyens termes qui rendaient l’inconséquence possible et facile. On reconnaîtra qu’une principauté italienne était un mauvais moyen pour maintenir l’indépendance de la religion. Ainsi le catholicisme sera amené à préférer le simple appel à la conscience au régime protecteur. D’une part, il sera assez fort pour rendre impossible une église nationale, administrée par