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allusion à quelque souvenir historique sur un chemin illustré par quelque campagne de l’armée parlementaire sous Fairfax ou Cromwell. Il s’agissait tout simplement d’une route que le parlement, voulant, par des vues politiques, améliorer, faciliter, abréger les communications avec l’Irlande, avait fait construire aux frais de l’état pour mettre Londres à la moindre distance de Dublin par le détroit de Menai et la pointe de Holy-Head. Les barrières et les péages sont donc loin d’avoir disparu du sol britannique, et l’on y voyage à peu près dans les conditions où nous le faisons en France sur les chemins de fer, où le tarif est calculé pour payer la construction, l’entretien et l’exploitation de la voie. Si le prix du transport ne se confondait pas avec le coût de la route, je ne sais si, même pour les chemins de fer, cette exception serait longtemps supportée chez nous. La gratuité du parcours des ponts et chaussées est dans nos mœurs. Il s’ensuit une obligation pour l’état d’étendre à toutes les parties du territoire le bienfait d’une viabilité presque égale, et ceux des départemens qui pendant un temps ont été privés de voies de communication suffisantes se regardaient comme lésés dans leurs droits et spoliés de leur part du commun héritage.

En revanche, l’Angleterre est, ce me semble, le premier pays où l’on se soit occupé du travail des enfans dans les manufactures. On s’y est repris à plusieurs fois pour instituer en cette matière une législation efficace. On n’a pas craint d’assumer un droit de visite qui paraîtrait peut-être vexatoire à plusieurs de nos chefs de fabrique, et une inspection générale et centrale organisée en grande partie pour cet objet n’est nullement restée un plan sur le papier. Or veut-on bien réfléchir à la portée d’une loi qui règle le travail des enfans ? Elle intervient dans la conclusion et l’exécution d’un contrat privé entre les maîtres et les parens. Elle suppose que l’autorité publique aura plus d’humanité que les uns, plus de sollicitude que les autres, et charge l’administration de veiller au lieu et place d’un maître, d’un père, d’une mère, au bien-être, à l’éducation, au développement physique et moral, à la santé, à la vie d’un enfant. Quelle mesure, je le demande, porte plus les caractères de la mise en tutelle des individus pour leur propre bien sous la garde de l’état ? Quelle mesure paraît plus marquée à l’empreinte des principes du socialisme ? Il est douteux cependant que les plus scrupuleux partisans de la liberté du travail soient scandalisés de cette dérogation au droit commun, et s’il fallait discuter, je crois qu’on pourrait montrer que dans cette circonstance la loi ne sort pas précisément de son domaine, parce qu’elle ne prétend pas entendre mieux les intérêts de l’individu que lui-même, mais intervient seulement