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Levées en cas de guerre et pour un but particulier, elles étaient toujours licenciées lorsque les hostilités venaient à s’éteindre. Le système d’une armée permanente ne remonte en Angleterre qu’au règne de Charles II.

Ce roi avait vécu à la cour de Louis XIV ; il avait été témoin des changemens introduits en France dans la constitution des troupes maintenues debout en temps de paix comme en temps de guerre. À son retour dans la Grande-Bretagne, il prit des mesures pour appuyer son trône nouvellement restauré sur la fidélité des soldats ; il chercha de plus à fixer la base jusque-là mouvante d’un gouvernement militaire. Comme aucun régime ne s’improvise, on peut trouver dans l’histoire d’Angleterre des précédens à cette innovation. Deux régimens créés sous le règne de Richard III et de Henri VIII, et qui existent encore, les gentlemen pensioners et les yeomen of the guards, formèrent dans ce temps-là une sorte de transition entre le système des armées accidentelles et celui des armées permanentes[1]. Ce dernier ordre de choses était malgré tout si contraire aux habitudes constitutionnelles de la Grande-Bretagne, que Charles II ne l’inaugura que par degrés, élargissant et remplissant peu à peu les cadres de ses bataillons. On sourit de l’emphase avec laquelle les publicistes du temps parlent de cette armée formidable, qui se composait en tout de cinq mille hommes. Le roi fit entrer dans ces régimens de création nouvelle les cavaliers qui s’étaient attachés à sa bonne comme à sa mauvaise fortune, qui l’avaient suivi à l’étranger, et qui avaient croisé l’épée dans les Pays-Bas avec les têtes-rondes. Il ne dédaigna pas non plus les restes de la vaillante armée de Cromwell. Le tout se réduisait à deux corps de cavalerie et à cinq ou six corps d’infanterie. C’est pourtant sur cette base étroite, mais solide, que s’est élevé successivement l’édifice de l’armée anglaise[2].

  1. Le corps des gentilshommes pensionnaires se composait exclusivement de nobles. Sous le règne de Guillaume IV (17 mars 1834), il prit le nom de gentlemen at arms. Ce sont des espèces de gardes du corps qui figurent dans les grandes occasions et les fêtes de l’état. Les yeomen of the guards (officiers de la maison du roi) font leur service au palais et à la Tour de Londres, revêtus d’un uniforme qui rappelle le temps de Henri VIII. On les désigne communément sous le nom de beef-eaters ou buffeteers (mangeurs de bœuf ou buffletiers), sans doute parce que leur costume se compose surtout de cuir de buffle. C’est le seul corps qui jouisse du privilège de traverser la Cité de Londres couleurs déployées, tambours battant et baïonnettes au bout du fusil.
  2. Comme les régimens formés par Charles II subsistent encore et comme ils se vantent de leur généalogie, on m’en voudrait de ne point les citer par leurs noms. C’étaient le premier régiment de foot guards (gardes à pied) ou grenadier guards, le coldstream que commandait le général Monk, les life guards (gardes à vie), les bleus, que lord Oxford avait tirés d’un des meilleurs régimens de Cromwell, et qui portent à cause de cela le nom d'Oxford Blues, les Écossais revenus de France, qui s’enrôlèrent sous le nom de Royal Scots, et enfin les second queen’s Royal’s.