Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 30.djvu/234

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vive- agité les intérêts et les esprits depuis quinze jours. L’anxiété qu’elle excitait a été surtout redoublée par la panique qu’avait produite à Turin un mouvement de troupes dans les territoires que l’Autriche possède encore sur la rive droite du Pô, par les réformes que le diplôme du 20 octobre annonçait dans la constitution intérieure de l’empire, et par l’entrevue des trois souverains à Varsovie. Le peu que l’on connaît déjà du résultat du congrès des souverains a dissipé la crainte d’une intervention prochaine de l’Autriche en Italie. Il eût suffi de quelque réflexion sur les intérêts présens de l’Autriche et sur les tendances nouvelles de sa politique pour s’épargner ces tumultueuses appréhensions.

L’empire d’Autriche est sans doute dans une situation critique et précaire. Les élémens de régénération n’y manquent point pourtant ; l’on doit admettre en outre qu’il existe autour du gouvernement autrichien des esprits éclairés, frappés des maux de l’Autriche, qui en connaissent les causes, ont l’intuition des moyens par lesquels on peut les combattre, et ont assez de patriotisme et d’honneur pour se dévouer à la tâche de sauver de la ruine ce grand empire. Les malheurs de l’Autriche sont venus de la forme sous laquelle son influence s’était étendue sur toute l’Italie, de la désaffection qu’avait répandue parmi les populations de l’empire et de l’appauvrissement qu’avait produit dans les ressources et les forces du pays la constitution unitaire de 1849, enfin de l’isolement moral dans lequel l’Autriche avait entrepris et soutenu la guerre de l’année dernière. Nous ne sommes point initiés à la pensée de la cour de Vienne, mais il nous semble que l’opinion qui inspire en ce moment le gouvernement autrichien est nettement fixée sur trois points principaux. Premièrement, l’Autriche doit laisser s’accomplir passivement et jusqu’à ses dernières conséquences l’expérience qui se tente aujourd’hui en Italie ; elle doit renoncer à la pensée d’exercer toute influence sur les événemens actuels de la péninsule ; elle doit démontrer au monde par les faits que l’on ne peut plus lui attribuer de responsabilité dans la marche des affaires italiennes ; elle doit regagner l’opinion européenne en lui prouvant qu’elle se place sur un terrain bien différent de celui où elle s’était attiré l’animadversion générale, qu’elle reste en Vénétie parce qu’elle y est chez elle, qu’elle défendra au besoin cette province parce qu’elle lui appartient en vertu d’un titre qui a été rajeuni encore par le traité de Zurich, mais qu’elle ne sort plus comme autrefois de ses frontières pour exercer dans la péninsule aucune tutelle, aucune ingérence. Quels que soient les sentimens que puisse inspirer à des Autrichiens la révolution italienne, nous ne doutons point qu’il n’y ait à Vienne des hommes convaincus que l’Autriche ne doit plus tenter d’arrêter le cours de cette révolution, et résignés à y voir un de ces entraînemens contre lesquels il est impossible et insensé de lutter, qui ne s’épuisent ou ne se règlent qu’à la condition qu’on les abandonne à eux-mêmes. Secondement, le plus pressant intérêt de l’Autriche est de s’appliquer à sa réorganisation intérieure, et de refaire la fédération des races et des nationalités qui forment l’empire. Troisièmement,