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jamais par lui-même une grande influence, et qui ne put que s’abriter derrière celle qu’avait acquise le municipe.

Tels sont les services qu’a rendus à la Lombardie sa forte organisation municipale. Il faut maintenant parler d’un reproche qu’on lui fait souvent. On entend dire de tous côtés que le municipalisme a son revers, que les jalousies locales infestent la Lombardie. C’est une phrase toute faite, qui court le monde, et que les livres et les causeurs se transmettent l’un à l’autre, comme ils l’ont reçue. Il faut s’expliquer. Que craint-on ? On n’a plus peur sans doute que Brescia et Crémone, Bergame et Come, descendent en champ clos comme au XVe siècle. Et si par hasard Lodi et Pavie se disputent pour le tracé d’un chemin de fer, il n’y a rien là de bien singulier, et qu’on ne voie tous les jours dans les pays les plus homogènes. Là n’est pas la question. On ne craint plus l’esprit de clocher ; c’est l’esprit provincial lombard qu’on accuse, et on assure que Lombards et Piémontais ne pourront pas s’entendre. « Tout va bien au commencement, dit-on, mais attendez quelque temps. Dans l’enthousiasme de la délivrance, les Lombards se sont donnés au Piémont ; mais les races sont incompatibles, tôt ou tard la division éclatera. Les germes de désaccord qu’on aperçoit déjà grandiront, et à la première secousse qui ébranlera l’Italie, la Lombardie tirera de son côté. » Il importe de rétablir les faits.

Pour être impartial, il faut reconnaitre que, dans les premiers temps qui suivirent son annexion au Piémont, la Lombardie se montra comme un peu étonnée. On peut citer à ce propos quelques traits de révolte de l’esprit provincial, rien de grave heureusement. On sait que la loi communale promulguée par M. Rattazzi excita un mécontentement qui ne songea pas à se dissimuler. Les administrations centrales qui fonctionnaient à Milan furent transférées à Turin, et on trouvait que le ministère allait bien vite en besogne. Les journaux humoristiques de la Lombardie, qui sont fins, représentaient les Turinois en train d’emporter à Turin le dôme de Milan. Vous voyez d’ici la caricature dessinée à la façon de Cham ; le dôme triangulaire chargé sur un truc et remorqué par une locomotive, un cantonnier immobile montrant le chemin, et un poteau sur lequel est écrit : Turin. Quand le ministère, pour répondre au reproche de centralisation excessive, envoyait la cour de cassation du royaume siéger à Milan, en souvenir sans doute de l’antique célébrité des légistes lombards, des Beccaria, des Romagnosi, les Milanais recevaient froidement ce cadeau, et trouvaient qu’on aurait pu épargner ce déplacement à la vieillesse des conseillers de cassation. «Nous les avons vus, disait le chroniqueur à la mode en rendant compte de l’inauguration de la cour, nous les avons vus dans la