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de Mlle Milli. Elle y revient sans cesse comme par une pente naturelle. Si par exemple on lui jette des bouquets, elle s’écrie :

Toute cité de ma chère Italie
Où en voyageant j’ai arrêté mes pas,
Comme récompense de mes chants improvisés,
M’a donné en souvenir quelques fleurs.

Je m’en suis tressé une couronne variée
Dont je me plais à orner mon humble front ;
Mais les fleurs que j’ai eues aux rives de l’Olone,
Ici, où mon cœur bout, je veux les garder.

C’est que plus sainte et plus chérie est pour moi la terre
Qui a élevé ses fils dans une colère généreuse.
Et qui de leur sang répandu dans la sainte guerre
A fécondé les tiges de ses fleurs.

Cependant la guirlande que j’ai recueillie,
Bien que riche, ne me satisfait pas encore.
La tienne y manque, ô belle et vénérable
Niobé de l’Italie, ta fleur désirée.

Oh ! fasse le ciel qu’à l’avril nouveau
Renaisse en toi la fleur de liberté !
Content alors, ma gentille Venise,
Sera le désir qui remplit mon cœur.

Ce n’est pas seulement dans la poésie du patriotisme féminin, mais aussi dans ses démonstrations publiques, que les fleurs jouent leur rôle. On se rappelle peut-être les funérailles d’Emilio Dandolo, qui eurent lieu à Milan peu de temps avant la dernière guerre. Dandolo était un jeune patricien qui au milieu des plaisirs d’une vie élégante s’était toujours signalé par sa haine contre les Autrichiens. Presque enfant, il avait pris les armes en 1848. Plus tard il avait joué sa vie dans les conspirations. Il mourut de consomption dans les premiers jours de 1859, et on eut l’idée de faire de son enterrement une manifestation politique. Par une forte gelée, dix mille personnes suivaient le cercueil porté par les amis de Dandolo. Une foule de dames en grand deuil, coiffées du voile noir national, remplissait l’église. Il était convenu qu’on ne pousserait aucun cri ; mais, au moment où le corps sortait de l’église, une couronne de fleurs tressée aux couleurs italiennes fut posée sur le cercueil par une main inconnue, une main de femme. À cette vue, un frisson courut dans la foule. Un cri formidable sortit à la fois de toutes les poitrines : Viva l’Italia ! Il y eut dix minutes d’enivrement, puis tout rentra dans l’ordre, et l’on s’achemina en silence vers le cimetière. Le soir, les amis de Dandolo furent arrêtés ; on constata que le