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avons faite et celle qu’ont faite les autres. Il est bien permis d’avoir une préférence pour la première. Le génie sert à ne pas s’y tromper, et une découverte célèbre de Lavoisier est un modèle que chacun peut se proposer et qui a dû servir à décourager bien des expérimentateurs. On croyait avant lui que l’eau peut se transformer en terre. Lavoisier fit bouillir de l’eau pure pendant plusieurs jours dans cet appareil ingénieux si souvent employé par les anciens chimistes, le pélican. L’eau réduite en vapeur se condense dans le chapeau et vient retomber dans le liquide en ébullition, où elle est vaporisée de nouveau. A la fin de l’expérience, il y avait bien au fond du vase une poussière analogue, identique presque à la terre. Lavoisier n’en est pas moins resté convaincu que la transformation est impossible, contrairement à ce qui lui était apparu, et des découvertes postérieures ont montré qu’il avait raison.

Les occasions sont rares qui commandent de pareilles libertés, et des meilleures choses il ne faut point abuser. Si à certaines lois, dans des temps difficiles, l’honneur commande de ne pas obéir, il n’en faut pas moins, dans le cas général, respecter celles même qui ne nous agréent pas. De même, lorsqu’un homme habile, de bon sens et de bonne foi, expose une expérience continuée durant plusieurs années, entourée de mille précautions variées par le temps et les circonstances, et qu’il apporte non pas même une doctrine tout à fait originale et nouvelle, mais qu’il se borne à confirmer, en l’appliquant seulement à des cas particuliers, une théorie d’Aristote, adoptée par un physiologiste illustre et abandonnée à une époque récente à la suite d’expériences qui paraissaient aussi bien faites et concluantes, il est raisonnable de l’écouter, de le discuter et de lui opposer les observations antérieures.

De quoi s’agit-il donc, et quel problème si grave, si douteux, s’agite encore de nos jours ? Hélas ! ce sont précisément les plus graves qui sont les plus douteux, et tandis que nous connaissons tant de vérités sur les détails, les combinaisons ou les décompositions des corps, sur l’action de la lumière ou de la chaleur, sur l’accroissement des plantes ou des animaux, nous ignorons ce qu’il importerait le plus de savoir, l’essence de ces forces que nous mesurons, l’origine de ces êtres dont nous décrivons les plus secrètes parties. C’est de cette origine que nous voulons parler, non pas, bien entendu, de l’origine première, de la cause qui a couvert le monde de ces êtres multiples, si divers et pourtant si analogues, qui se reproduisent toujours semblables en obéissant à des lois mystérieuses et immuables, mais de leur origine actuelle au temps même où nous parlons. Nous voulons en un mot exposer les idées de M. Pouchet sur cette question : est-il possible qu’un être animé naisse, sans pa-