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PIERRE LANDAIS
ET
LA NATIONALITÉ BRETONNE

PREMIERE PARTIE.

Ce n’est jamais sans émotion que je vois se dessiner, lorsque je quitte le chemin de fer pour rentrer en Bretagne, l’imposante masse du château de Nantes, dernier débris d’un passé disparu de la mémoire des hommes. Quand ses grosses tours se dressent devant moi dans les vapeurs du fleuve et l’épaisse fumée des usines, il semble que toute l’histoire de ma vieille patrie vienne m’assiéger de souvenirs et de fantômes. Les premières assises de cette demeure ducale ont été noircies par le feu des torches normandes, et c’est à l’abri de ses remparts, trois fois reconstruits, que les successeurs de Noménoé ont lutté six cents ans contre le flot toujours montant de l’invasion française. Tous les siècles ont apporté leur pierre à ces murailles jusqu’au temps où le duc de Mercœur y inscrivait ses croix de Lorraine, et où Henri IV, triomphant dans son dernier asile de la ligue et du génie provincial, enlaçait sur leurs portes massives la fleur de lis à l’hermine, et s’écriait tout joyeux, en recevant les clés de la forteresse, que « les ducs de Bretagne n’étaient pas de petits compagnons ! »

Parmi les tableaux qui miroitaient devant mes yeux lorsque je contemplais à la chute du jour cette relique des vieux âges, il en est un qui ne tarda pas à effacer tous les autres et qui finit par m’ab-