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vel ordre à se regarder comme des chiens de faïence. Pour le Piémont cependant et pour l’Italie, cette immobilité n’est point de l’oisiveté. Le gros de l’évolution italienne semble être fait ; il reste pourtant trois épisodes traînards de la question italienne d’importance diverse, mais qui ont de quoi occuper l’Italie dans son inaction prudente ou forcée : il y a la résistance de François II à Gaëte, il y a le séjour du pape à Rome et l’occupation française indéfiniment prolongée, il y a la Vénétie, c’est-à-dire les apprêts moraux et les préliminaires révolutionnaires de la lutte dont la Vénétie doit être un jour le prix. Il n’y a rien à dire de la résistance du roi de Naples dans sa dernière forteresse, si ce n’est que la persévérance du jeune François II est un acte honorable, et non-seulement ramène une sorte d’intérêt sur la fin de son règne, mais peut plus tard, lorsqu’elle sera devenue un souvenir, rendre, suivant les circonstances, quelques chances à sa cause. Nous ne parlerons pas du rôle de protection que dans une extrémité prévue l’escadre française est prête à jouer auprès du roi de Naples : les officiers de notre escadre seront heureux de remplir ce devoir envers le souverain détrôné et sa jeune famille ; peut-être même est-ce à leur générosité trop empressée à cet égard qu’il faut attribuer les faux mouvemens qui ont eu lieu à l’embouchure du Garigliano et ce fait singulier, que les intentions réelles de notre gouvernement ont paru être mieux comprises par le chef de l’escadre piémontaise que par le brave amiral français. Nous voudrions aussi nous abstenir de parler de la situation du pape et de nos troupes à Rome. Combien de temps durera cette crise ? Le rapport du général Lamoricière ne peut guère être considéré comme un témoignage favorable à la conservation du pouvoir temporel du saint-siége. Cependant est-ce à nous, qui sommes à Rome pour défendre le pape, de marquer par notre départ l’heure de sa déchéance ? Est-ce nous d’autre part, soutiens du principe de non-intervention, qui pouvons, par notre occupation sans terme, entraver la grande expérience que les Italiens unis vont tenter sur eux-mêmes ? Détiendrons-nous éternellement la capitale qu’ils réclament comme le gage et la condition de leurs nouvelles destinées ? Il n’y a là qu’une maussade incertitude et la perspective d’événemens peu agréables pour notre amour-propre. Quant à la Vénétie, c’est bien là le fruit défendu aux Italiens par des interdictions dans lesquelles nous voyons la garantie de cette paix temporaire dont la possession un peu assurée est le trait de la situation présente ; mais, sans devenir l’objet d’une invasion immédiate, la Vénétie exercera nécessairement cet hiver la principale influence sur la vie intérieure des Italiens.

Ce n’est point une prophétie téméraire de prédire que la perspective de la Vénétie à conquérir sera quelquefois une occasion de lutte et plus souvent un moyen d’union entre les élémens discordans que contiennent les partis qui poursuivent par des moyens divers l’émancipation totale du territoire italien. Nous considérons la conquête du royaume des Deux-Siciles comme consommée. Nous savons que tout n’est point à Naples et dans le