Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 30.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

illustre, mais dont les détails sont plus vraisemblables. Il avait lieu dans l’île de Samos, île où les arts jetèrent un éclat précoce, parce qu’elle touchait à l’Asie et empruntait plus d’un modèle à la civilisation orientale. Parmi les rivaux qui se disputaient le prix, l’histoire cite Parrhasius et Timanthe. Tous avaient dû peindre Ulysse et Ajax réclamant les armes d’Achille. Timanthe fut couronné. Parrhasius, dont l’orgueil était grand, se consolait de son échec en se comparant à Ajax, «dont la destinée, disait-il, était de toujours céder à un moins digne la récompense qui lui était due. » Ainsi le même sujet avait été traité, non point par des écoliers ou des talens obscurs, mais par deux des plus grands artistes du siècle. Quintilien nous montre Timanthe concourant une autre fois avec Colotès de Téos.

Si l’on se tourne vers les architectes et les sculpteurs, on ne sera point étonné de les voir concourir pour les travaux dont l’état disposait. Les choses se passaient chez les Grecs comme elles se passent quelquefois chez nous et comme elles devraient toujours se passer, car les lois du bon sens sont invariables. Voulait-on construire un monument ou élever une statue colossale, on ouvrait un concours. Les architectes et les sculpteurs faisaient des soumissions, en même temps qu’ils présentaient des plans ou des modèles. Plutarque, dans un de ses traités de morale, nous apprend que celui qui soumissionnait au plus bas prix et dont le projet paraissait le meilleur était chargé des travaux. La Minerve du Parthénon fut donnée à Phidias à titre d’entreprise. Aussi le voit-on comparaître devant l’assemblée du peuple et exposer ses idées comme devant un conseil d’administration.

Il semble plus difficile de mettre aux prises des sculpteurs et de leur commander des statues dont la plus belle sera seule achetée. C’est pourtant ce qui arrivait quelquefois, car l’intérêt des particuliers était sacrifié à l’intérêt de l’art. Les Athéniens voulaient consacrer une statue à Vénus. Agoracrite et Alcamène, tous deux élèves de Phidias, firent chacun une Vénus; celle d’Alcamène fut choisie, Agoracrite reprit la sienne. Les habitans d’Éphèse agirent avec plus de générosité, car ils consacrèrent dans le temple de Diane cinq statues, toutes représentant des Amazones, qui étaient l’œuvre d’artistes différens; parmi ces artistes, on remarque Phidias et Praxitèle. Les Éphésiens, désirant fixer le mérite de ces statues, demandèrent aux sculpteurs eux-mêmes de les classer. Chacun se donna naturellement le premier rang, mais tous accordèrent le second à Polyclète. Aussitôt Polyclète fut proclamé vainqueur. On retrouve encore l’idée d’un concours dans un récit de l’historien poète Tzetzès. Alcamène était le rival de Phidias autant que son disciple. Chacun d’eux avait achevé une Minerve de proportion colossale qui devait occu-