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l’introduction d’esclaves dans le Kansas : cette initiative lui avait valu une grande popularité dans les états à esclaves; en 1852 et en 1856, il avait été le candidat préféré du sud pour la présidence. C’est précisément ce qui avait fait écarter sa candidature au dernier moment, lorsqu’on avait reconnu la nécessité de transiger avec l’opinion des états libres. M. Stephen Douglas aspirait à succéder à M. Buchanan. L’obligation où il s’était trouvé de sacrifier deux fois ses propres espérances, la majorité formidable obtenue par M. Frémont dans les états du nord, le progrès des idées hostiles à l’esclavage dans les états du centre, où le parti démocratique était condamné à l’impuissance dès que les républicains et les unionistes feraient cause commune, tout avait convaincu M. Douglas que l’appui du sud était désormais insuffisant pour élever un candidat à la présidence, qu’il n’y avait plus de chance que pour un prétendant qui, aux voix des états à esclaves, pourrait joindre l’appoint de quelques-uns des états du centre. Citoyen d’un état libre, possesseur d’une fortune considérable, jouissant d’une influence prépondérante dans l’Illinois, où son appui décidait de toutes les élections locales, comptant de nombreux amis dans les états d’Indiana et de New-York, ne pouvait-il devenir en 1860 l’objet d’un compromis semblable à celui qui avait valu la présidence à M. Buchanan? Il croyait avoir donné assez de gages aux hommes du sud pour ne leur devenir jamais suspect; il lui fallait maintenant éviter de se compromettre irrémissiblement aux yeux du nord. Il essaya donc de s’emparer de cette position de médiateur, qui était le rôle naturel du président. A mesure que M. Buchanan, irrité par les obstacles imprévus qu’il rencontrait, s’obstinait davantage dans sa campagne contre l’affranchissement du Kansas, M. Douglas se séparait davantage de la politique présidentielle. Lorsque le bill qui devait faire entrer le Kansas dans la confédération avec une constitution qui sanctionnait l’esclavage fut apporté au congrès, M. Douglas s’en déclara résolument l’adversaire, et entraîna dans son opposition presque tous les démocrates du nord. Il avait, disait-il pour justifier sa conduite, proposé le rappel du compromis du Missouri pour que les habitans des territoires nouvellement peuplés fussent libres de choisir entre l’esclavage et la liberté, et non pas pour qu’on leur imposât malgré eux l’esclavage. Les habitans du Kansas ne voulaient pas d’esclaves parmi eux; leur volonté devait être respectée. L’opposition de M. Douglas et de ses amis fit échouer le bill qui était le pivot de toute la politique du président. Ainsi reparaissait plus ardent et plus irréconciliable cet antagonisme du nord et du sud que l’élection de M. Buchanan avait eu pour objet de conjurer.

Lorsque les conservateurs des états du centre, qui avaient voté