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setts ; mais ce ne fut de la part de ces deux états qu’un stérile témoignage d’estime donné à un compatriote illustre.

On doit comprendre maintenant de quelle importance capitale il est pour un homme politique d’appartenir à l’une de ces organisations permanentes qui disposent de fonds considérables, qui commandent à une nuée d’agens de tout ordre, et qui ont le pouvoir d’élever à la présidence des citoyens complètement obscurs, comme M. Polk ou M. Pierce, dont le nom était inconnu hors de leur comté natal avant que l’intrigue, le hasard et l’impossibilité de concilier des prétentions rivales le fissent prononcer au sein d’une convention. Aussi, depuis la rupture de M. Douglas avec M. Buchanan, tout l’effort du président et de la fraction la plus exaltée des hommes du sud avait été d’établir que le sénateur pour l’Illinois s’était montré infidèle au programme du parti, qu’il s’était séparé volontairement de ses coreligionnaires politiques, et qu’il ne pouvait plus être considéré comme membre de l’organisation démocratique. D’interminables discussions s’étaient poursuivies dans la presse et au sein du congrès pour et contre l’orthodoxie démocratique de M. Douglas. Ce dernier n’essayait point de justifier sa conduite au point de vue général de l’intérêt public; il n’invoquait d’autre apologie que l’intérêt du parti, soutenant qu’il était demeuré dans les termes du programme adopté à Cincinnati en 1856, et qu’interpréter ce programme comme le sud le voulait faire, c’était ruiner le parti démocratique dans tous les états libres et le vouer par conséquent à l’impuissance. On ne pouvait l’exclure, disait-il, sans exclure en même temps tous les hommes qui avaient défendu le plus énergiquement la cause du sud, qui avaient soutenu la lutte la plus acharnée contre les républicains, et qui avaient fait pencher la balance en faveur de M. Buchanan. Le jour où le sud serait réduit à ses seules forces en face du nord unanime, il ferait bien vite l’apprentissage de l’humiliation et de la défaite. Les chefs du parti exalté, des mangeurs de feu, comme on les appelle, M. Jefferson Davis, sénateur pour le Mississipi, M. Yancey, sénateur pour l’Alabama, MM. Slidell et Benjamin, sénateurs pour la Louisiane, n’hésitaient pas à répondre que ce jour-là c’en serait fait de l’Union, que le sud avait tout avantage à former une confédération distincte où il réglerait librement ses destinées, qu’en attendant il ne souffrirait point qu’on sacrifiât ses intérêts vitaux à des calculs d’ambition personnelle, qu’il ne tolérerait ni hésitation, ni équivoque, ni trahison. En même temps plus d’un orateur faisait ressouvenir M. Douglas du sort de M. van Buren, qui, pour avoir voulu scinder le parti démocratique et déserter la cause du sud, avait vu se clore brusquement sa carrière politique.