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ménagés. En 1471, après la bataille de Tewkesbury, si fatale à la maison de Lancastre, le comte de Richemond, dernier espoir du parti de la rose rouge, s’était réfugié en Bretagne avec le comte de Pembroke son oncle. Informé de l’arrivée des princes fugitifs et comprenant de quel avantage pourrait être leur présence en France, Louis XI les avait fait demander au duc de Bretagne; mais ce prince, invoquant la sainteté du droit d’asile et les devoirs de l’hospitalité, les avait résolument refusés à son suzerain, Landais avait déterminé son maître à les faire détenir sous bonne garde, et durant plusieurs années ces nobles exilés, aux dépenses desquels il était pourvu avec munificence, résidèrent à Vannes avec les apparences de la liberté, quoique sous le coup de la plus stricte surveillance. Pour s’assurer qu’il serait à jamais interdit au comte de Richemond de débarquer en Angleterre, où l’appelaient les vœux d’une faction puissante, Edouard aurait mis sans hésiter toutes les ressources de son royaume à la disposition du duc de Bretagne, et Landais se promit de tirer grand parti de ce bon vouloir que le monarque anglais ne prenait aucun soin de déguiser. Le trésorier fit donc suivre à Londres, durant trois années et concurremment avec les négociations de Senlis, une négociation secrète qui aboutit à une promesse donnée par Edouard IV de passer en France avec une armée d’invasion aussitôt qu’une nouvelle rupture aurait éclaté entre François II et le roi son suzerain[1].

L’agent confidentiel de Landais dans cette affaire était Guillaume Guéguen, secrétaire particulier du duc, qui ne jouissait pas moins de la confiance du prince que de celle du ministre; mais le trésorier commit la faute de livrer aussi le secret de son maître et le sien à un Bas-Breton du nom de Bromel qu’il employait pour porter en Angleterre les lettres du duc, et dont l’infidélité faillit provoquer une scène terrible. « Il étoit advenu, nous dit un des historiens les mieux informés des affaires bretonnes de ce temps, Bertrand d’Argentré, que Bromel, ayant rencontré au passage des ports quelqu’un du service du roy, il s’estoit descouvert à luy, qui en avoit adverty le roy, lequel estoit fort instruit à faire profit de telles adventures. Il lui fist promettre grande somme de deniers pour chacun voyage qu’il feroit, lui mettant en main les despêches et pacquets d’une ou autre part, et par le moyen de son agent luy faisoit assigner lieu certain à se trouver pour parler à son dict agent, lequel aussi se trouvoit avec cent escus, qu’il bailloit à ce porteur pour chacune lettre[2]. »

  1. Preuves de l’Histoire de dom Morice, t. III, ch. 305, et Daru, Histoire de Bretaigne, t. III, p. 50.
  2. Histoire de Bretaigne, liv. XII, p. 695.