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sourdes pratiques contre le gouvernement[1]. » Perdu de mœurs, violemment soupçonné d’avoir participé dans sa jeunesse au meurtre du malheureux prince Gilles de Bretagne, l’évêque de Rennes avait été frappé plusieurs fois par les censures apostoliques. Lorsque, à la pressante sollicitation de Landais, le pape l’eut fait déposer après une procédure longue et régulière, peu de gens auraient pris le parti d’un prélat brouillon et scandaleux, s’il n’était dans la nature de toutes les oppositions de fort peu regarder au choix des armes, et si le grand-trésorier n’avait commis la faute de faire profiter sa famille des dépouilles de l’homme mort de désespoir sous le coup de sa disgrâce. L’un de ses neveux, déjà coadjuteur de Rennes, se trouva pourvu de ce grand siège, devenu vacant. Ajoutons ici qu’empressé de pousser la fortune de sa famille dans l’église, toujours accessible aux hommes nouveaux, Landais avait fait donner, presque au sortir de l’enfance, au second fils de sa sœur, mariée à Adenet de Guibé, l’évêché de Tréguier, que ce jeune prélat échangea plus tard contre celui de Nantes, en attendant que, vingt an après la mort de son oncle, Jules II mît le comble à sa fortune ecclésiastique en lui accordant le titre de légat et la pourpre romaine[2].

Landais rencontrait dans le conseil de François II des résistances non moins sérieuses qu’au dehors, et j’ai déjà indiqué l’antagonisme constant de ce ministre et du chancelier. Pour soutenir la lutte contre son adversaire, Chauvin trouvait dans son origine, qui le rattachait à la noblesse, et dans le concours chaleureux des gens de loi et des gens d’église, car le chancelier était clerc, quoique marié, des points d’appui qui manquaient au trésorier. Que le chancelier de Bretagne eût la confiance de Louis XI, cela n’est que trop certain; mais qu’il ait oublié ses devoirs de ministre breton au point de compter parmi les nombreux pensionnaires du roi de France, c’est là un fait qui n’est pas nettement établi pour l’histoire, quoique cette accusation ait été énergiquement maintenue par Landais dans tout le cours du procès dont le meurtre de Chauvin forma le principal, pour ne pas dire le seul chef d’accusation.

La haine effrénée portée par d’Argentré à Landais a eu pour résultat de le faire doter de toutes les vertus l’ennemi de l’homme auquel il attribuait tous les vices. « Estoit le chancelier Chauvin homme de bien, droit et de bonne réputation, sans vouloir offenser Dieu,

  1. Sur les diverses contestations de Landais avec les évêques, voyez dom Lobineau, Histoire de Bretagne, t. Ier, liv. XVIII, et dom Taillandier, continuateur de dom Morice, t. II, liv. XIV.
  2. Sur le sort de la famille Landais, dont les membres s’allièrent aux maisons les plus honorables du pays, on peut consulter avec fruit l’excellente notice de M. Levot dans la Biographie bretonne.