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Ploërmel, Moncontour, Chateaubriand, Vannes, furent assiégés et mis à sac, et bientôt le dernier duc de Bretagne se trouva bloqué dans sa ville de Nantes, héroïquement défendue par les bourgeois et par les milices basses-bretonnes, accourues au secours de leur souverain aux abois. En présence du dédain qui leur était témoigné et du peu de cas que faisait l’armée française des conventions antérieures, les hommes de Montargis comprirent que l’avenir n’appartient jamais aux traîtres, lors même qu’ils l’ont préparé. Le maréchal de Rieux écrivit au roi, qui s’avançait lui-même vers les frontières du duché, lui rappelant ce qu’il appelait leur traité, le suppliant, puisque ses généraux persistaient à le méconnaître, de retirer ses troupes de la Bretagne, qui n’avait pas mérité d’être aussi indignement ravagée. « L’envoyé du sire de Rieux, qui estoit homme advisé, fist sa charge, et remontra en particulier à la dame de Beaujeu, qui manioit les affaires du royaume, que le roy savoit bien ce qu’il avoit esté par luy promis, juré et accordé aux barons de Bretaigne, sans lequel accord jamais ils ne feussent condescendus à prester la main au roy pour faire ce qu’il avoit faict au dict pays, qu’il faisoit assiéger places, prendre villes, chasteaux et forteresses, piller le pays, rançonner le peuple, contre la foy et promesse jurée, et sans subject ni occasion, dont le dict mareschal s’estonnoit fort, comme celuy à qui il en revenoit le plus, s’estant faict chef de ceste capitulation. Il ajouta plusieurs propos, et de faict François du Bois, qui estoit le gentilhomme porteur, pressa tant cette dame, que, ne le pouvant payer de raison, elle advoua ouvertement l’intention qui menoit le roy, et lui dist à trac et sans honte: « Mon ami, dictes à mon cousin le mareschal de Rieux, votre maistre, que le roy n’a poinct de compaignon, et que, puisqu’il est entré si avant, il en veut venir à bout. » Ceste réponse descouvroit assez la volonté de ceux qui se vouloient couvrir et servir d’occasion, et que la vérité estoit qu’elle vouloit se saisir de ceste terre de Bretaigne <[1]. »

Comme pour blesser les barons à l’endroit le plus sensible, la régente fit commencer le siège d’Ancenis, propriété du maréchal de Rieux, et qui était alors considéré comme le premier boulevard de l’aristocratie baronniale dans le duché. L’instinct politique de la monarchie française se révélait partout, et avait quelque chose de si impétueux, qu’il l’emportait même sur la prudence. Emporté d’assaut, Ancenis fut incontinent rasé, d’ordre personnel du roi, nous dit d’Argentré. La place de Chateaubriand, appartenant à la maison de Laval, subit le même sort, et bientôt après la prise de Fougère et de Saint-Aubin-du-Cormier vint achever l’œuvre de la con-

  1. D’Argentré, p. 754.