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en même temps de s’y diviser. Lorsque les communes de Gand et de Bruges, d’Ypres et de Courtray, enrichies par l’exportation des étoiles, arrivèrent à compter deux ou trois fois plus d’habitans qu’elles n’en ont aujourd’hui, il fallut arracher à un sol rebelle les subsistances nécessaires à une population à la fois si dense et si aisée. Des digues furent construites, des terres submergées soustraites au retour des marées, des terres vagues soumises à la charrue, des forêts déboisées, des routes tracées, les campagnes converties en une suite de jardins qui faisaient un contraste marqué avec celles des pays où dominait la féodalité. Les documens font défaut pour déterminer quelle fut alors l’étendue du territoire cultivé d’une façon régulière ; mais souvent de nos jours, au milieu de forêts que l’on croyait défricher pour la première fois, la bêche rencontre les débris d’anciennes fermes et de moulins détruits, preuve incontestable que la culture avait déjà conquis au moyen âge des terres qu’elle a dû abandonner à une époque moins prospère. La décadence commença quand les ducs de Bourgogne mirent la main sur les libertés communales, et tentèrent de briser par la force des armes les résistances qu’opposaient à leurs volontés despotiques la fierté et l’énergie des grandes cités industrielles. La domination intolérante et aveugle de l’Espagne, en préparant la ruine de l’industrie et du commerce, porta un coup plus funeste encore à l’agriculture, à qui elle enleva ses débouchés. Les guerres d’extermination provoquées par les persécutions religieuses dépeuplèrent les campagnes, et permirent aux forêts et aux bruyères de reprendre possession d’un terrain fécondé par le travail des siècles précédens. Dans le Houtland, lisière boisée qui borde les terres basses du côté de la Zélande, on rencontre à chaque pas les traces de la lutte des Espagnols avec les Hollandais affranchis, et certains forts y portent le nom des capitaines italiens qui ont ravagé ces districts, jadis fertiles, demeurés depuis lors sans habitans jusqu’à des temps très rapprochés de nous. L’économie rurale eut à subir dans les Flandres des vicissitudes semblables à celles qui l’atteignirent en Lombardie. Les guerres incessantes et l’incertitude politique l’empêchèrent pendant le XVIIe et le XVIIIe siècle de réparer les désastres du XVIe ; ce n’est que vers le milieu du siècle dernier que l’agriculture commença à se relever, quand la Belgique prit part à ce vaste mouvement d’amélioration qui à cette époque augmenta si notablement la richesse de tous les pays de l’Europe. Après la fin des guerres de l’empire, ce mouvement reprit son cours dans les Flandres : il s’est accru en ces dernières années, et des chiffres officiels nous permettront d’en mesurer l’étendue.

Ces rapides indications sur l’histoire de la culture flamande n’étaient pas inutiles pour faire comprendre ce qu’elle est aujourd’hui,