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Il n’essaie pas de se dérober à cette coûteuse nécessité, car il n’ignore point qu’autrement il perdrait et le loyer qu’il doit payer et la valeur des labours qu’il a exécutés. La terre siliceuse dévore tous les engrais avec une telle promptitude, qu’il faut lui en donner au moins une fois et souvent deux et trois fois par année. Les récoltes d’hiver reçoivent d’ordinaire au moment des semailles de vingt à trente voitures de fumier d’étable par hectare, valant de 100 à 150 francs, et au printemps de 150 à 300 hectolitres de purin, estimés de 60 à 75 francs[1]. Si, comme le prétend Thaer, une tête de gros bétail ne fournit par année que la fumure complète de 20 ares, on comprend quels sacrifices le fermier doit faire pour mettre en plein rapport un sol si exigeant. Aussi peut-on porter à une moyenne de 80 à 100 francs par hectare la somme qu’il consacre à l’achat des engrais que livre le commerce et des tourteaux nécessaires à la consommation de ses étables. Dans aucun autre pays, même parmi ceux qui sont le plus justement renommés pour leur agriculture, ni en Lombardie, ni en Angleterre, on ne fait des avances aussi considérables. Ce n’est point, à coup sûr, la récolte des céréales qui permettrait d’y faire face. Un pareil système serait ruineux sans les riches produits des plantes industrielles, et surtout sans l’extension donnée aux cultures dérobées, c’est-à-dire aux produits accessoires qu’on obtient la même année après les récoltes principales. C’est un nouveau trait caractéristique de l’économie rurale flamande dont nous allons essayer de faire comprendre l’importance.

On peut distinguer quatre degrés dans le progrès agricole. D’abord la moitié de la terre arable est en céréales, l’autre moitié est en jachère ; c’est l’ancienne méthode des Romains encore en usage dans certaines provinces du midi de la France et dans une grande partie de l’Espagne. Ensuite la jachère ne revient que la troisième année après froment et avoine : c’est la rotation suivie dans certains comtés de l’Angleterre et dans le Condroz en Belgique. Au troisième degré, la jachère est supprimée ; on arrive à l’assolement quadrien-

  1. Comme dans la plus grande partie des Flandres le fermier entrant est tenu de payer à son prédécesseur la valeur des fumiers en terre et des ensemencemens, il est facile de se renseigner exactement sur les frais qu’exige chaque espèce de culture. Voici le compte détaillé du coût d’un hectare d’orge extrait d’un inventaire de reprise dressé dans les environs de Gand :
    Deux labours 36 fr.
    Arrière-engrais de la fumure précédente.. 63
    Bon fumier d’étable 126
    150 litres de semence 15
    Frais des semailles 12
    Arrosement de purin 70
    Total 322 fr.