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comme la condition nécessaire d’une bonne culture. On a été jusqu’à demander que les coutumes locales qui régissent ce droit fussent rendues uniformes et converties en loi dans l’intérêt de l’économie rurale. La prisée donne lieu à quelques débats et même à quelques fraudes là où elle porte sur des récoltes en terre ; mais les plaintes sont rares dans le sud, où il ne s’agit que d’estimer le fumier qu’on peut cuber dans les cours ou dans les citernes, et la valeur relativement minime des engrais qui ont déjà donné une récolte. Là d’ailleurs l’expertise est faite par le notaire en qualité d’arbitre. Tout au moins cet usage permet-il au fermier de ne point négliger sa culture, même l’année qui précède son déménagement, puisqu’il sera remboursé de la valeur des engrais et des amendemens non épuisés. Quant à l’inconvénient signalé en Angleterre, que le paiement de l’inventory diminue le capital du fermier entrant, on y oppose en Flandre le proverbe : Hoc hooger, hoc beter (au plus, au mieux). En effet, il vaut infiniment mieux payer pour le fumier qui se trouve dans une terre bien cultivée que de ne rien débourser pour une ferme épuisée, empoisonnée de mauvaises herbes, et qu’il faut à grands frais remettre en bon état de culture. Les avances peuvent être grandes, mais tout fermier intelligent sera heureux de les faire.

Le village flamand est formé non de l’agglomération des fermes, mais de la réunion des industries que réclament les besoins de la nombreuse population dispersée dans les campagnes. Dans la plupart des communes rurales, on trouve aussi des épiciers, des boulangers, des pâtissiers, des lingères, des tailleurs et des tailleuses exhibant à leur fenêtre les dernières gravures de mode, même des horlogers et des voitures de louage. Quelques-unes de ces communes comptent de six à huit mille habitans. L’aspect du village répond aux conditions dans lesquelles s’y exerce le travail : tout y révèle une humble aisance, obtenue à force d’économie, d’ordre et de soins. Près de l’église, dont la flèche élancée domine les arbres du cimetière, s’ouvre une place bien pavée, bordée de maisons propres et bien entretenues. Les demeures des pauvres et des ouvriers agricoles sont ordinairement disséminées autour des fermes. Voici le presbytère avec son potager clos d’un mur ou d’une épaisse haie d’ifs. Non loin de là, bâtis avec un certain luxe, s’élèvent l’école communale et parfois l’atelier modèle où l’on apprend aux enfans à tisser des étoffes. Ce bâtiment surmonté d’un clocheton et d’une croix est l’école dentellière, dirigée par une communauté religieuse. Dans presque toutes les communes, on rencontre quelque maison de campagne dont les vertes pelouses, parsemées de bouquets d’arbres, rappellent en petit les résidences anglaises ; mais les anciens châteaux sont rares, l’aristocratie féodale n’ayant jamais pu jouer un rôle prépondérant dans un pays dominé par les artisans des grandes